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C'était le XXe siècle T.1

C'était le XXe siècle T.1

Titel: C'était le XXe siècle T.1 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Decaux
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Collomb. Il s’agissait d’une veuve de quarante-quatre ans, dactylographe dans une compagnie d’assurances. Sa famille déclarait que Anne Collomb, fiancée à un M. Dupont, s’était mise en ménage au domicile de celui-ci, à Gambais. Nul n’avait depuis reçu de ses nouvelles. La famille s’inquiétait et demandait à M. le Maire s’il savait ce qu’il avait pu advenir de Mme Veuve Collomb. Le maire se borna à répondre qu’il n’avait jamais entendu parler de cette personne.
    Quelques semaines plus tard, nouvelle supplique au maire de Gambais. Presque dans les mêmes termes et évoquant une affaire curieusement identique. Une demoiselle Lacoste s’affligeait de ne recevoir aucune lettre de sa sœur Célestine Buisson. Elle ne comprenait pas ce silence puisque ladite Célestine était partie s’installer chez son fiancé à Gambais. Mlle Lacoste avait écrit plusieurs fois à sa sœur et s’étonnait de ne recevoir aucune réponse. Ne se serait-elle pas trompée d’adresse ? C’est celle-ci qu’elle souhaitait obtenir du maire de Gambais :
    « Voudriez-vous avoir l’obligeance de me donner la bonne, écrivait-elle au magistrat municipal. En 1917, j’ai accompagné ma sœur et son futur mari, M. Frémyet, à Gambais, et suis à même de vous indiquer la maison sans erreur. »
    Mlle Lacoste décrivait la maison en des termes si précis que le maire reconnut aussitôt la villa Tric. Lisant pour la première fois le nom de Frémyet et celui de Buisson, il ne savait rien de plus. N’importe, cette inquiétude de deux familles lui parut bizarre. Pourquoi ne pas mettre en rapport Mlle Lacoste avec les Collomb ? Le résultat fut que, pour cette double disparition, les deux familles unies portèrent plainte contre X au parquet de la Seine.
    Une enquête de gendarmerie en découla naturellement. M. Tric ne fit aucune difficulté pour reconnaître qu’il avait loué sa maison à un M. Dupont dont il livra l’adresse, rue de Darnétal à Rouen. Il précisa qu’il s’agissait bien d’un Dupont et non d’un Frémyet. On alla à Rouen. L’adresse était fausse. On n’y connaissait ni Frémyet ni Dupont.
    En revanche, à Gambais, les voisins de la villa Tric fournirent le signalement de l’introuvable locataire. Il s’agissait d’un homme d’une cinquantaine d’années, très chauve et portant une barbe noire. D’un air entendu, les voisins ajoutaient que ce monsieur devait avoir beaucoup de succès auprès du beau sexe, car on l’avait vu arriver chez lui avec un grand nombre de dames.
    Une évidence : le signalement donné par les voisins correspond bien à celui qu’ont donné Mlle Lacoste et la famille Collomb. Les archives judiciaires ne livrent rien, ni au nom de Frémyet ni à celui de Dupont. Tout ce que l’on peut déduire, c’est que les deux dames ont suivi à Gambais un seul et même personnage sous deux identités différentes. Elles ont disparu toutes les deux. Pour le moment, il est impossible d’aller plus loin. Les policiers reconnaissent que l’enquête se trouve dans un cul-de-sac. Il ne reste plus qu’à attendre. Patience est souvent mère de police.
    La preuve va en être administrée bientôt.
     
    Mme Buisson avait une amie, Mme Bonhoure, pour laquelle, semble-t-il, elle n’avait rien de caché. C’est ainsi qu’elle lui avait un jour présenté l’homme de sa vie, cet ingénieur Frémyet en compagnie de qui elle avait disparu. Depuis, Mme Bonhoure vit dans l’angoisse du sort qui a pu advenir à son amie.
    Or, le 11 avril 1919, Mme Bonhoure aperçoit, rue de Rivoli, le mystérieux personnage ! Il sort du magasin Les Lions de faïence. En tâchant de son mieux de passer inaperçue, Mme Bonhoure tente de suivre Frémyet. Ceci jusqu’à la place du Châtelet. Découvre-t-il alors qu’il est filé ? Il saute dans un autobus que ne peut rejoindre Mme Bonhoure. L’excellente dame court raconter son aventure à la sœur de Célestine Buisson, laquelle téléphone aussitôt le renseignement à la 1 re brigade mobile.
    On ne perd pas de temps. Un inspecteur est envoyé aux Lions de faïence. On lui précise qu’un client a en effet acheté le même jour un service de table d’une valeur de 300 francs et qu’il a versé 80 francs d’arrhes. Il a demandé qu’on lui livre le service à domicile et, dans ce but, a laissé une carte de visite. On la tend au policier qui peut lire : « Lucien Guillet, ingénieur, 76, rue de Rochechouart ».

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