Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
C'était le XXe siècle T.1

C'était le XXe siècle T.1

Titel: C'était le XXe siècle T.1 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Decaux
Vom Netzwerk:
Aussitôt, la police se transporte rue de Rochechouart. Elle apprend que Lucien Guillet, chauve et barbu comme Frémyet, barbu et chauve comme Dupont, habite dans l’immeuble depuis le mois d’octobre 1917.
    La suite, le commissaire Dautel la confiera aux journalistes :
    — Je laisse mes hommes en observation. On retourne à la Préfecture et, dans le Bulletin de police criminelle, on retrouve trois ou quatre fiches qui concernent le bonhomme, Henri-Désiré Landru, cinquante et un ans, dit Guillet , recherché par MM. Gentil et Saumandre, juges d’instruction. Guillet, Landru, Frémyet, Dupont, c’est le même type et c’est notre citoyen. Seulement, il fait nuit : impossible de l’arrêter ce soir-là. C’est bête, mais c’est comme ça. On est dessus, et on doit le lâcher comme un agent qui poursuit un malfaiteur et arrive aux Tuileries : chasse réservée aux gardes, hein ? Bref, Belin et Brandenberger couchent sur le palier et, au petit jour, on « saute » sur l’individu.
    Donc l’individu est sous les verrous. La tâche qui va incomber à la police, puis à la justice, n’est pas de tout repos. Il va leur falloir démontrer que Landru a bien commis onze meurtres. Onze meurtres sans cadavres.
     
    Ce qui va perdre Landru, c’est son sens de l’ordre. Jamais criminel ne fut plus méticuleux. Jamais monstre ne s’est appliqué à mieux conserver toutes les traces de ses exploits. L’un de ses biographes a très légitimement vu en lui un « maniaque de la comptabilité, collectionneur de bouts de papier, démoniaque amoureux des chiffres, passionné délirant de la chose écrite  (25)  ».
    Non seulement à son domicile, mais dans un garage qu’il a loué à Clichy, 28, rue Morice, on va retrouver des carnets de comptes, des agendas, des pièces d’identité, des récépissés, des certificats, des notes, des lettres par centaines. Peu à peu, ces archives uniques dans l’histoire du crime vont permettre aux enquêteurs de lire, comme à livre ouvert, l’histoire des forfaits de Landru.
    Il semble que l’idée originelle ait germé en lui en 1909. Cette année-là, Landru est condamné à Lille pour avoir détourné les titres d’une jeune femme. Il a rencontré celle-ci à la suite d’une annonce matrimoniale insérée par lui dans un journal. La préméditation n’est pas douteuse puisque, au moment où il publie cette annonce, Landru est marié. La « fiancée » a porté plainte. Landru a été arrêté et condamné. Sanction qui ne l’empêchera nullement de récidiver mais, après réflexion, le conduira à perfectionner sa méthode. La « fiancée » de Lille avait déposé plainte ? Celles qui lui succéderont, Landru les mettra dans l’impossibilité – absolue – de formuler la moindre réclamation.
    Ce qui ajoute à l’affaire toute sa complexité psychologique, c’est que, durant les années où Landru accumulera les meurtres, il restera un bon mari et un excellent père. Certes, il n’habite pas à Malakoff avec sa famille, mais il l’a fait admettre à sa femme – blanchisseuse comme sa mère – en lui confiant que la police le recherche. Ce qui n’a pas étonné outre mesure Mme Landru : elle ne connaît que trop les condamnations infligées précédemment à son époux. Aussi souvent qu’il le peut, Landru revient chez lui, apporte de l’argent, des cadeaux, devient en somme pour ses enfants une sorte de père Noël surgissant plusieurs fois par an de la cheminée.
    Sa fabuleuse comptabilité le prouve : chaque fois qu’une de ses compagnes provisoires disparaît, il apporte le lendemain ou quelques jours plus tard de l’argent à sa petite famille. Autre sujet d’étonnement : c’est par des numéros que les siens se trouvent répertoriés dans ses carnets. Le n° 1 n’est autre que Mme Landru. Landru se désigne lui-même par le n° 2. Les n os   3, 4, 5 et 6 désignent respectivement ses enfants Marie, Maurice, Suzanne, Charles. La police cherchera longuement à qui pouvait correspondre le n° 7. Elle finira par découvrir qu’il s’agissait de Fernande Segret. L’amie de cœur était en quelque sorte de la famille.
     
    L’important, pour la police, n’est pas la vie familiale de Landru. C’est son entreprise extra-conjugale. Sur les onze noms portés dans le carnet de Landru, deux seulement ont fait l’objet, de la part des familles, d’une plainte en bonne et due forme. Pour les autres, rien. Il va falloir tenter

Weitere Kostenlose Bücher