Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
C'était le XXe siècle T.1

C'était le XXe siècle T.1

Titel: C'était le XXe siècle T.1 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Decaux
Vom Netzwerk:
encore à admettre que, décidément, elle n’est plus en guerre. Les démobilisés de la veille ont du mal à se réhabituer à un lit. D’affreux cauchemars les réveillent, les rappelant à la boue des tranchées, à la mort quotidienne, au carnage de chaque instant. Dans chaque ville et jusque dans les plus petits villages, des familles accablées pleurent un fils, un père, un époux. Le chiffre des morts français est maintenant connu et l’on en reste effaré : un million et demi de cadavres étendus à jamais dans la terre des champs de bataille. Apprendre que les pertes ajoutées des belligérants doivent être évaluées à dix millions de vies humaines, voilà qui ne console personne. L’Américain Wilson, l’Anglais Lloyd George, l’Italien Orlando ont rejoint à Paris le Français Clemenceau. Chaque jour, enfermés loin des oreilles et des yeux indiscrets, ils tiennent d’interminables séances sur lesquelles filtrent peu d’informations, sinon qu’ils préparent le futur traité de paix. La paix, vraiment ?
    C’est dans ce climat, lourd de trop de souvenirs, pesant de tant d’inquiétudes, que les lecteurs du Petit Journal du 13 avril 1919 vont lire un modeste entrefilet sous ce titre : Importante arrestation à Montmartre . En voici le texte :
    « La première brigade mobile a arrêté, hier, à Paris, en plein Montmartre, grâce à des dénonciations anonymes, un individu très élégamment vêtu, presque complètement chauve, mais portant une abondante barbe noire. Cet homme, qui avait mis, croit-on, la science de l’hypnotisme au service de ses mauvais instincts, était recherché par plus de dix parquets de tous les coins de France sous les noms de Dupont, Desjardins, Prunier, Perrès, Durand, Dumont, Morise, etc.
    « Une fois dans les locaux de la Sûreté, il a fini par avouer se nommer en réalité Henri Nandru, né à Paris dans le 19 e arrondissement, en 1869. Nandru est actuellement inculpé de vols qualifiés, d’escroqueries et d’abus de confiance, toutes inculpations qu’il nie, sans toutefois donner la moindre explication, se contentant de répondre à toutes les questions : “Je n’ai rien à vous dire ; vous vous débrouillerez avec mon avocat.”
    « Il se pourrait, cependant, qu’avant peu ce triste personnage trouve plus prudent d’être un peu moins réservé, car, selon toute vraisemblance, il aura à répondre devant la justice de faits autrement plus graves que ceux qui lui sont reprochés aujourd’hui. À ce sujet, les charges les plus lourdes pèsent déjà sur lui. »
    On a bien lu : Nandru, avec un N. C’est vraiment par une très petite porte que Landru vient de se glisser dans les annales du crime.
    Un vieux de la vieille, Danglure, se présentant ce soir-là au siège de la 1 re brigade mobile, a récolté toute chaude l’information qui vaudra au Petit Journal d’annoncer, le premier, l’arrestation de « Nandru ». Ce n’est qu’un début. Dans sa manche, Danglure garde une carte maîtresse. Le lendemain, le Petit Journal , ravi de doubler tous ses confrères, publie sur trois colonnes, avec photographies, un long article surmonté de titres particulièrement alléchants :
    LE MYSTÈRE DE LA VILLA DE GAMBAIS
    UN NOUVEAU BARBE-BLEUE
    L’ingénieur Landru, l’homme aux cent noms,
    soupçonné d’avoir assassiné plusieurs femmes
    La prose est bien dans le style du temps : « Dans le courant de l’été 1915, un chauffeur élégamment mis arrivait en automobile à Gambais, coquet village situé aux confins de la forêt de Rambouillet, à sept kilomètres de Houdan et, après avoir visité maintes villas, fixait son choix sur une propriété appartenant à M. Tric, à l’entrée du pays…»
    À l’heure même où ils prennent connaissance de l’article du Petit Journal , tous les rédacteurs en chef de Paris ont compris. Une énorme affaire commence. Aux premières heures de la matinée, les bureaux de la 1 re brigade mobile, rue Greffulhe, seront littéralement assiégés par une meute de journalistes à l’affût de nouvelles.
    Ils ne regretteront pas de s’être dérangés. C’est une bien curieuse histoire que va leur conter le commissaire Dautel.
     
    Tout était parti de Gambais. Dans les derniers mois de la guerre, le maire de la petite commune avait successivement reçu des demandes de renseignements au sujet de deux dames dont on lui affirmait qu’elles avaient habité la région.
    La première se nommait Anne

Weitere Kostenlose Bücher