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C'était le XXe siècle T.1

C'était le XXe siècle T.1

Titel: C'était le XXe siècle T.1 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Decaux
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fortifications du Nord. Tel est le vrai Jaurès. Mais, pour ses ennemis, il est Herr Jaurès et il est vendu à Guillaume II.
     
    En avril 1914, aux nouvelles élections législatives, le parti socialiste obtient 103 députés, ce qui est beaucoup. Jaurès est réélu, toujours à Carmaux, avec la plus forte majorité dont il ait jamais bénéficié. Quelques mois plus tôt, Doumergue lui a offert d’entrer au ministère. Une fois de plus il a refusé. Maintenant, on parle d’un grand ministère Caillaux-Jaurès pour imposer l’impôt sur le revenu. Acceptera-t-il cette fois ?
    Quand, le 28 juin 1914, un étudiant bosniaque assassine l’archiduc François-Ferdinand à Sarajevo, Jaurès, s’il s’est d’abord alarmé, ne veut pas croire à une guerre généralisée.
    Le 7 juillet, le gouvernement demande à la Chambre le vote de crédits pour le voyage en Russie du nouveau président de la République, Raymond Poincaré, et du nouveau président du Conseil, René Viviani. Jaurès refuse de les voter. Il se méfie, dit-il, de ces lointaines entrevues où se prennent des décisions que les Français ne connaissent pas. La vérité est que Jaurès trouve la Russie belliciste et s’inquiète. On vit depuis de longues années sous le signe cent fois exalté de l’alliance franco-russe. La confiance est si grande en la « noble Russie » qu’une partie du bas de laine français a glissé dans l’escarcelle russe. Il faut dire que la presse française ne cesse de chanter les louanges du grand pays sur lequel règne Nicolas II. Elle ne le fait pas uniquement par idéalisme. Iswolski, ambassadeur de Russie à Paris, « arrose » la presse parisienne. Les plus grands journaux touchent des pots-de-vin considérables. Dans de telles conditions, quand Jaurès s’oppose au voyage présidentiel en Russie, comment les injures n’atteindraient-elles pas des sommets ?
    Il faut lire certains journaux de l’époque. Dans Paris-Midi , Maurice de Waleffe : « À la veille de la guerre, le général qui commanderait à quatre hommes et un caporal de coller au mur le citoyen Jaurès et de lui mettre, à bout portant, le plomb qui lui manque dans la cervelle, pensez-vous que ce général-là n’aurait pas fait son plus élémentaire devoir ? Si, et je l’y aiderais…» Dans l’Action française  : « Nous ne voudrions déterminer personne à l’assassinat politique mais que M. Jaurès soit pris de tremblement. Son article est capable de suggérer à quelque énergumène le désir de résoudre par la méthode expérimentale la question de savoir si rien ne sera changé à l’ordre invincible, dans le cas où le sort de M. Calmette serait subi par M. Jaurès. »
    Le sort de M. Calmette ?
     
    Le 20 juillet, Poincaré et Viviani arrivent à la résidence d’été de Peterhof où les attend Nicolas II. Au cours de plusieurs entretiens, le président français affirme au tsar que les intérêts des deux pays sont identiques et définitivement liés. Le tsar se dira frappé de la « fermeté » témoignée par Poincaré.
    Dans la soirée du 22, l’Autriche adresse un ultimatum à la Serbie : le gouvernement de François-Joseph demande à celle-ci de s’agenouiller littéralement devant son grand voisin. Le 24 au matin, à l’aube, Poincaré et Viviani apprennent en mer, par radio, la remise de l’ultimatum. La Serbie, consciente de l’écrasante supériorité militaire autrichienne, va l’accepter néanmoins, à l’exception d’une clause prévoyant la participation d’agents austro-hongrois à l’enquête sur l’assassinat de l’archiduc. Le 28, Vienne déclare la guerre à Belgrade. Le 29, Poincaré et Viviani arrivent à Paris. À la gare du Nord, une foule immense les attend et une folle clameur s’élève dès qu’ils paraissent : « Vive la France ! »
    La Russie mobilise. Est-ce vers une guerre européenne que l’on se précipite ?
     
    Un homme vit cette tragédie avec, au cœur, une angoisse qui ressemble à de l’épouvante. Cet homme-là s’appelle Jean Jaurès. Une guerre ? C’est la faillite de tout son combat ! Quelques jours auparavant, devant le congrès national du parti socialiste français, il préconisait encore la grève générale, seul moyen d’obtenir un arbitrage entre les nations. Cette grande idée ne va-t-elle pas être prise de vitesse par ceux qui veulent se battre ?
    À Paris, la foule s’agglutine devant les immeubles des grands journaux. On

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