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C'était le XXe siècle T.1

C'était le XXe siècle T.1

Titel: C'était le XXe siècle T.1 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Decaux
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a été intégré au service auxiliaire ?
    — Mon capitaine, supplie Guynemer, emmenez-moi au moins dans l’un de vos vols !
    Impossible encore : un homme du service auxiliaire n’a en aucun cas le droit de voler.
    Devant le visage désespéré de Guynemer, Bernard-Thierry s’éloigne, contrarié. Pourquoi diable s’est-il laissé attendrir par ce sale gosse ? On ne l’y reprendra pas.
     
    Le 26 janvier 1915, la sonnerie du téléphone retentit dans le bureau du capitaine Bernard-Thierry. Le général Hirschauer, directeur de l’Aéronautique, lui annonce qu’il va recevoir une nouvelle fournée de cent élèves pilotes. Le voilà bien content, Bernard-Thierry. Commencerait-on en haut lieu à croire à l’aviation ? En fait, ce sont des aviateurs qui ont signalé à Gallieni que von Klück renonçait à marcher directement sur Paris. La victoire de la Marne a directement découlé de ce détail . De quoi frapper les états-majors.
    Bernard-Thierry jure au général Hirschauer que, de ses cent garçons, on va faire de sacrés pilotes. Tout à coup, une idée folle lui traverse l’esprit. Il demande au général s’il ne pourrait pas ajouter à la liste un 101 e … Oui, un sujet d’élite qu’il garantit sur facture. Il en est sûr, archisûr. Le général accepte. Il demande simplement au capitaine de lui faire connaître le nom de 101 e .
    — Guynemer Georges, mon général.
    Au bout du fil, un silence. Le capitaine comprend que le général Hirschauer est en trains d’inscrire Guynemer en queue de sa liste. Une question pour la forme :
    — Il est bien dans le service armé, votre Guynemer ?
    Ici, Bernard-Thierry s’entend répondre, la gorge serrée, comme s’il se jetait à l’eau :
    — Oui, mon général. Naturellement.
     
    À peine a-t-il raccroché que Bernard-Thierry se prend la tête à deux mains. Le général Hirschauer a ajouté : « Vous m’enverrez son dossier. » Or il n’existe pas de dossier. Ou plutôt, dans le désert d’une chemise cartonnée, ne se trouve qu’un faux certificat d’aptitude professionnelle ! Un dossier, cela voudrait dire un livret matricule et Guynemer n’en possède pas ; un certificat d’aptitude médicale au pilotage et il n’en pas été établi ; un état des services que nul n’a jamais dressé.
    Bernard-Thierry, puisqu’il ne dispose de rien, décide de ne rien envoyer.
    Pendant des mois, avec une remarquable constance, l’administration réclame le dossier de Guynemer. Toutes les quatre ou cinq semaines, une nouvelle lettre : « Suite à notre demande de telle date, nous prions l’autorité militaire de l’École de Pau de bien vouloir faire suivre le dossier de l’élève pilote Guynemer Georges. » À quoi Bernard-Thierry répond avec la même régularité et la même componction que le dossier a déjà été envoyé et qu’il a dû se perdre.
    L’administration s’est fatiguée la première. Un beau jour on n’a plus rien réclamé.
    Le premier carnet de vol de Georges Guynemer, soldat de 2 e classe , ouvert par ses soins le 26 janvier 1915, contient, à la première page et à la date du lendemain, cette simple mention :
    Mercredi 27 janvier : corvée de neige   (13) .
    Ce carnet de cinquante feuillets se termine le 28 juillet 1916 par le procès-verbal de la 11 e victoire de Guynemer : un avion allemand abattu sur la Somme.
    Guynemer a commencé son instruction théorique sous les ordres du chef pilote Noë. Le lundi 1 er février 1915, il a effectué une première sortie de dix minutes sur un Blériot rouleur  : comprenez que l’on a coupé les ailes d’un Blériot XI afin qu’il ne puisse pas s’envoler. Méthode ingénieuse pour apprendre à rouler droit à l’aide du moteur et du palonnier.
    Aux commandes, Guynemer paraît à son aise. À côté de certains élèves pilotes solides comme des rocs, il a pourtant presque l’air d’être leur fils. À vingt ans, il en paraît quinze. Il n’en regarde pas moins devant lui avec une telle intensité que ses instructeurs ressentent l’impression d’avoir affaire à un lance-flammes.
    Comme il est nerveux, aussi ! Son premier vol date du 10 mars 1915. Presque aussitôt il brise deux appareils d’entraînement. Tarascon, son entraîneur, jure que c’est parce qu’il n’écoute rien et demande qu’on le débarrasse de « ce cancre ». Récit du capitaine Bernard-Thierry : « Je décidai de prendre moi-même Guynemer en mains. Je

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