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C'était le XXe siècle T.1

C'était le XXe siècle T.1

Titel: C'était le XXe siècle T.1 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Decaux
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reviens, de Paris. Et tu veux y repartir ? Tu connais la règle : tu commences par descendre un Boche.
    Mal à l’aise, il a voulu atténuer l’effet de son refus. Il a baissé la voix :
    — Et puis il n’y a plus personne à l’escadrille…
    Guynemer n’a pas insisté. Le dernier Boche, il l’a abattu le 20 août : son cinquante-troisième. Heureusement, la météo annonce une amélioration.
     
    L’aube du 11 septembre 1917. Décidément, le soleil l’emporte sur le brouillard. Belle journée pour voler. À 8 h 25, Guynemer décolle.
    Toujours son Spad. Il en fait ce qu’il veut. Comme un cavalier qui fait corps avec son cheval. Il vole avec Bozon-Verduraz, Gaillard, Risacher et de Marcy. Le problème, c’est qu’il va vite, Guynemer. Il s’occupe peu de ceux qui le suivent. Or, ce jour-là, ceux qui le suivent vont le perdre.
    À 9 h 25, au-dessus du village de Poelkapelle, Bozon voit Guynemer agiter soudain ses ailes. Le premier balancement signifie : « Attention, ennemi en vue. » Et le deuxième : « J’attaque. » Bozon cherche l’Allemand sans le voir. Il se borne à voler dans le sillage de Guynemer. Par contre, Risacher vient juste d’apercevoir l’avion ennemi. Sous ses yeux, le combat s’engage. Il voit l’Allemand se mettre en vrille, passer devant Bozon qui, l’ayant aperçu enfin, ouvre le feu sur lui, le manque et laisse Guynemer en finir.
    Huit Fokker dans le ciel, maintenant. Huit, pas un de moins ! Bozon fait en sorte de les attirer vers lui mais, quand il ouvre le feu, sa mitrailleuse s’enraye. Dès lors il perd tout contact avec Guynemer. Risacher qui, conformément aux ordres, doit rester plafond bas, le perd également de vue.
    Quand les deux hommes regagnent le terrain, ils retrouvent Brocard qui, furieux, aboie :
    — Eh bien ? Et Guynemer ? Où est-il, Guynemer ?
    Toute la journée l’escadrille recherchera Guynemer. En vain.
     
    Le 27 septembre 1917, la Gazette des Ardennes , journal allemand imprimé en français, publiera un récit qui dissipera le mystère : le 11 du même mois, à 10 heures du matin, heure française, un aviateur français s’est écrasé dans les lignes allemandes à 700 mètres environ au nord-ouest du cimetière sud de Poelkapelle. Un sous-officier allemand s’est rendu avec deux hommes à l’endroit de la chute. Le pilote, détaché du siège de ce monoplace, portait sur lui une carte d’identité dont le journal reproduit la photographie.
    Celle du capitaine Georges Guynemer.
    On a su plus tard, par les Allemands, que le pilote qui l’avait abattu s’appelait Wissemann. La mort avait été causée par une balle dans la tête. L’index de la main gauche avait été emporté.
    Qu’est devenu le cadavre de Guynemer ? À Poelkapelle, la bataille fait rage. Là où le sous officier allemand a identifié Guynemer, converge le feu – particulièrement intense – de l’artillerie anglaise. Les Allemands avoueront que le terrain s’est trouvé si profondément labouré qu’il n’a pas été possible de retrouver plus tard « aucune trace du cadavre ni de l’appareil ».
    La conclusion du communiqué ennemi ne manquera pas d’allure : « Les aviateurs allemands regrettent de n’avoir pu rendre les derniers honneurs au vaillant adversaire. » Nul n’a porté en terre les restes de Georges Guynemer, homme du ciel.

VII

Les Pâques sanglantes
de Dublin
    24 avril 1916
    Soudain, deux drapeaux s’élèvent au sommet des mâts érigés sur le toit de l’hôtel central des postes de Dublin. À gauche, le drapeau vert, brodé d’une harpe d’or, qu’arboraient déjà les rebelles de 1798 : À droite, le drapeau vert, blanc, orange de la République irlandaise.
    Face à la poste, dans O’Connell Street, une foule énorme, stupéfaite, s’est immobilisée. La foule des jours fériés, oisive, endimanchée. Des gens de tout âge, des hommes, des femmes, des enfants que l’on promène. Traditionnellement, en Irlande, le lundi de Pâques est chômé. Et, ce 24 avril 1916, il fait beau.
    Pour la première fois en ce siècle, les drapeaux de l’indépendance irlandaise flottent à Dublin sur un bâtiment public. Un tel moment, des millions d’Irlandais ont rêvé de le connaître. Pourtant, devant ces drapeaux, aucune manifestation d’enthousiasme, aucune acclamation, aucun cri. Un homme hurle :
    — Vive l’Irlande !
    Aucun écho. Des regards lourds, réprobateurs. Dérisoire, ce cri, parce qu’il

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