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C’était le XXe siècle T.3. La guerre absolue

C’était le XXe siècle T.3. La guerre absolue

Titel: C’était le XXe siècle T.3. La guerre absolue Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Decaux
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aventure. Puisque nous n’avions qu’un seul moyen d’enlever le Duce sain et sauf, mieux valait courir les mêmes risques que lui, même si ma présence augmentait le danger. En cas d’échec, nous subissions le même sort. »
    Douze hommes s’accrochent au Fiseler Storch pendant que Gerlach lance les moteurs. Le pilote abaisse la main, les douze hommes lâchent prise. L’appareil cahote sur le terrain pierreux que j’ai arpenté en 1974 en me disant que personne, jamais, n’aurait dû logiquement décoller de là. Mais le Storch a pris de la vitesse. Au-delà des soixante mètres de pente, c’est le gouffre. Autour de l’hôtel, chacun retient son souffle. Un Allemand, le lieutenant Radl, s’évanouit.
    Un cri : l’avion s’est élevé ! Non, il retombe ! Une roue heurte un rocher. Déséquilibré, l’avion tombe comme une pierre dans le précipice. Italiens et Allemands courent. Tous, hallucinés, regardent la chute vertigineuse. C’est fini. Demain, on annoncera la mort de Mussolini.
    Voici l’incroyable, l’inouï. À trente mètres du fond de la vallée, Gerlach réussit à redresser l’appareil ! Peu à peu, le Fiseler Storch reprend de l’altitude. Il vole enfin, cap au sud-ouest, en direction d’Avezzano.
    Avec une familiarité qu’il ne se serait autorisé en aucune autre circonstance, Skorzeny a mis la main sur l’épaule du Duce. Quand celui-ci se retourne, son visage est plus pâle qu’auparavant. Cela ne dure pas : un flot de paroles sort de ses lèvres. Il ne cessera de parler qu’à l’atterrissage.
     
    De Rome, on vole vers Vienne puis Munich, où Mussolini retrouve les siens. Le lendemain, en Prusse-Orientale, c’est la rencontre avec un Hitler visiblement et profondément ému.
    Mussolini déclare qu’il veut se retirer de la vie publique. Hitler insiste et – en bref – ordonne : le Duce doit reprendre les rênes de l’Italie du Nord. Il doit y créer une République fasciste. Mussolini finit par céder. Dès lors, son destin est scellé.
    Au bout de la route, le 28 avril 1945, l’attendent la mitraillette du capitaine Valerio, l’exécution sommaire et, tête en bas, la pendaison ignominieuse sous la verrière d’un garage de Milan.

VIII

Les chaudières du docteur Petiot
    Fin 1943
    Mme Marçais ne décolère pas : une odeur indéfinissable, à coup sûr nauséabonde, envahit son appartement. Plus s’avance la matinée du 9 mars 1944, moins cela devient soutenable. Quand Mme Marçais songe à ouvrir la fenêtre et à regarder au dehors, elle comprend : de la cheminée du 21, rue Le Sueur – un hôtel particulier – s’échappe une épaisse fumée noire que le vent pousse droit de son côté. Toute la journée, Mme Marçais va continuer à souffrir de ce qu’elle appellera une « puanteur ».
    Le 10 mars, la cheminée du 21 crache toujours sa fumée – et son odeur. Le 11, « il faisait un temps exceptionnellement chaud, s’est souvenu un témoin, sans un souffle de vent. Les fenêtres des appartements de cette rue très abritée étaient grandes ouvertes, la fumée âcre, roussâtre, épaisse, écœurante, retombait depuis le matin dans la rue et pénétrait par les fenêtres ouvertes des vis-à-vis  (108) . » Dans la rue, ce n’est qu’un cri : à qui mieux mieux, les résidents dénoncent l’insupportable odeur. Quand, vers 18 heures, son mari rentre de son travail, Mme Marçais le supplie de « faire quelque chose ». Il obtempère et, délibérément, s’en va sonner, au 21, à la porte cochère de l’hôtel particulier. À quatre reprises, il presse le bouton. Sans résultat. Il lève la tête : la fumée s’échappe toujours de la cheminée. Que faire ? D’évidence, l’hôtel est inhabité. Il aperçoit alors, attachée par des punaises au bois du portail, une pancarte à l’écriture délavée : « Absent pour un mois. S’adresser et faire suivre le courrier 18, rue des Lombards, à Auxerre. » En regagnant son appartement, M. Marçais trouve sa femme proche des larmes. Tout au long de la journée elle a éprouvé nausée sur nausée. Outré, M. Marçais décroche son téléphone et, vers 18 h 30, appelle le commissariat de police du quartier  (109) .
     
    La rue Le Sueur tout entière est aux fenêtres. Un murmure de soulagement salue l’apparition de deux gardiens de la paix cyclistes, des « hirondelles », ainsi qu’on les appelle à cause de leur longue pèlerine bleu marine. Ils se nomment

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