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C’était le XXe siècle T.3. La guerre absolue

C’était le XXe siècle T.3. La guerre absolue

Titel: C’était le XXe siècle T.3. La guerre absolue Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Decaux
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étranglé  (113) .
    Le temps vient pour Marcel d’aller à l’école. Il se révélera un excellent élève, doté d’une intelligence particulièrement vive. Ce qui n’empêche pas ce jeune garçon de se laisser aller à un comportement bien singulier. Ayant dérobé le revolver de son père, il tire des coups de feu vers le plafond de la classe pendant le cours d’histoire. Son ancien condisciple en classes de 5 e , 4 e , 3 e , M. Jean Delanove, se souvient que Petiot tirait aussi au revolver sur des chats. « Dans la cour du collège, pendant une récréation, il voulut en montrer le fonctionnement à ses camarades et se traversa la main d’une balle  (114) . »
    Il fait passer dans la classe des photos pornographiques et, cependant qu’il lance son couteau, oblige ses condisciples terrorisés à se figer sur la porte des cabinets. La lame vient parfois se planter à quelques millimètres de la cible. Il explore les cartables et les poches des manteaux pour y prendre ce qui présente à ses yeux de la valeur. À l’aide d’un bâton enduit de glu, il « récupère » les lettres dans les boîtes postales pour toucher les mandats qu’elles contiennent ou, débordant de joie à la seule idée des embrouilles qu’il pourra susciter, expédie aux uns et aux autres des correspondances qui ne leur sont pas destinées. Un de ses vols sera découvert et le conduira au tribunal pour enfants. Reconnu irresponsable, on le renverra du lycée.
     
    À dix-huit ans, Marcel est bachelier. Nous sommes en 1915. Le jeune Petiot décide qu’il sera médecin, s’inscrit au PCB  (115) mais, trois mois plus tard, il devance l’appel. Il est incorporé le 11 janvier 1916. S’agit-il d’un pur élan patriotique ? Au vrai, à travers la guerre, c’est l’aventure que cherche surtout Petiot. Déjà, il aime le risque : la guerre est un jeu. Pendant près d’un an, il ne quittera pas le front, combattra dans le secteur très exposé de Craonne.
    Je tiens de l’un de ses camarades, M. Lucien B., d’étonnants souvenirs sur Petiot recueillis par lui-même pendant la Grande Guerre : « En rentrant au baraquement où, il y a quelques instants, se trouvait, près de mon lit, une place libre, je trouve un nouvel arrivant complètement inconnu. Il est mollement allongé, tient à la main un livre qu’il lit à la lueur d’une bougie. Je l’observe curieusement, il est grand  (116) , souriant, flegmatique. Sûr de lui. Je reconnais mon livre. » Lucien B. réagit. Très calme, Petiot – car c’est lui – lève les yeux, le regarde et dit :
    — Ce bouquin est peut-être à toi. La bougie aussi sans doute ?
    — Oui, mon vieux, tu n’as pas l’air gêné.
    — Pourquoi ? Ici ce qui est à toi est à moi.
    — Alors c’est réciproque.
    — Oui, naturellement.
    — Je vais fouiller dans tes affaires et prendre ce qui me plaira !
    — Parfaitement.
    Lucien se penche vers la musette de Petiot, fait mine de fouiller, mais ne trouve rien qu’un jeu d’échecs miniature. En réponse, il a droit à un large sourire de son étrange voisin.
    « Quelques jours après l’arrivée de Petiot, des vols sont signalés à la coopérative, des saucissons, etc. Puis, par la suite, la section reçoit un ravitaillement clandestin, variable selon les lieux et les occasions : des fromages, du lard, du vin vieux, des bonbons, des gâteaux, etc. Denrées récoltées à la suite de randonnées diurnes et nocturnes, dans les fermes, chez les épiciers, dans les caves, etc., le tout facilité par le port d’une ample capote de cavalerie (véritable manteau de prestidigitateur). Au retour de ses expéditions, il jubile. » Lucien B. narre à mon intention un certain nombre de méfaits commis par Petiot à l’armée et commente : « Petiot a de l’intelligence, de la culture, de l’éducation, il ne manque pas d’humour, mais de scrupules. » Un jour, Lucien qui n’ignore rien de ses procédés lui demande comment lui-même les juge.
    — Mes procédés ? Ils sont courants, normaux.
    — Voler, c’est moral ?
    — Comment crois-tu que se soient constituées les grosses fortunes, les colonies ? Par le vol, la guerre, la conquête.
    — Alors la morale, cela n’existe pas ?
    — Non. C’est la loi de la jungle, depuis toujours. La morale a été faite pour les possédants, pour qu’on ne leur reprenne pas les biens provenant de leurs rapines.
    — Bon. Entendu, il n’y a pas de morale. Mais

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