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C’était le XXe siècle T.3. La guerre absolue

C’était le XXe siècle T.3. La guerre absolue

Titel: C’était le XXe siècle T.3. La guerre absolue Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Decaux
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Teyssier, dit « Olive » par ses collègues, et Fillion-Payou, dit « le Canadien ». Ayant mis pied à terre, ils sonnent au 21. Aucune réponse. Escortée par un petit groupe de gens intrigués par l’événement, la concierge du 23 s’avance à point nommé. Elle va droit aux agents :
    — Je connais le propriétaire du 21. Il m’avait même confié sa clé mais, il n’y a pas longtemps, il me l’a reprise. C’est un docteur. Il s’appelle Petiot et il habite 66, rue Caumartin. Il m’a laissé son numéro de téléphone : Pigalle 77.11.
    À cette information dont on peut espérer un résultat immédiat, cette femme ajoute un détail dont les agents ne mésestiment pas l’importance : chaque soir, le docteur Petiot se rend rue Le Sueur à bicyclette. Même, il traîne derrière son vélo une remorque bâchée.
    À 19 h 30, les hirondelles appellent le numéro qui, providentiellement, vient de leur être livré et, dès qu’une voix répond, demandent le docteur Petiot. Il vient à l’appareil.
    — Allô, docteur Petiot ? Il y a un feu de cheminée chez vous, rue Le Sueur.
    Un bref silence. Puis le médecin s’enquiert :
    — Avez-vous déjà pénétré à l’intérieur ?
    — Pas encore.
    — J’arrive. Ne touchez à rien. J’apporte les clés.
     
    Devant le portail du 21, les agents Teyssier et Fillion attendent. Il n’a pas l’air de se presser, le docteur Petiot. Cette odeur qui ne diminue pas et pénètre partout ! La petite foule – elle n’a pas bougé – s’indigne : est-ce que cela va durer longtemps ? Les agents commencent à se poser des questions. Et si ce Petiot allait leur poser un lapin ? Et si le feu de cheminée déclenchait un incendie ? Conclusion : mieux vaut appeler les pompiers.
    Quelques minutes plus tard, la grosse voiture rouge freine devant le 21. Trois pompiers en jaillissent : le caporal-chef Avilla Boudringhin et deux hommes. Cela ne tarde pas. Devant la façade, ils développent leur échelle jusqu’au premier étage et grimpent. On les voit briser une vitre et sauter à l’intérieur.
    La nuit est tombée. Pour se guider dans l’immeuble, les pompiers doivent user de lampes torches. Ils traversent une première pièce, puis une seconde. Un incroyable désordre. Des meubles recouverts de poussière. Ils passent sur le palier et, là, marquent un temps d’arrêt. Pas de doute : c’est de l’escalier que monte l’odeur devenue soudain si atroce qu’elle va se muer en guide. À sa recherche, ils gagnent le rez-de-chaussée, puis le sous-sol où le ronflement d’une chaudière emballée les mène au but.
    Les trois hommes se figent, épouvantés. Dans la lumière blanche de leur lampe torche, ce n’est pas une seule chaudière qu’ils découvrent mais deux qui brûlent à grand fracas et en même temps. De la porte entrouverte de la plus grosse, portée au rouge – un accident, sûrement, cette porte entrouverte – pend un bras humain. Sur le sol, des crânes, des troncs encore sanglants. Voici un cadavre, ou plutôt un semi-cadavre, car on l’a découpé dans le sens de la longueur.
    Pour les pompiers, c’est trop. Ils déguerpissent, montent à toute allure l’escalier du rez-de-chaussée, se retrouvent face à la porte cochère qu’ils déverrouillent. Les battants grincent, tournent sur leurs gonds. À peine dehors, Avilla Boudringhin se rue vers l’agent Fillion, l’agrippe par le bras :
    — Je crois qu’il y a du boulot pour vous !
    Fillion se précipite en courant sur les pas du caporal. La foule est devenue muette. Quelques instants plus tard, l’agent remonte, livide. À toutes jambes, il s’élance vers le café le plus voisin, Le Crocodile , au coin de l’avenue de la Grande-Armée. Il appelle le commissariat, balbutie, ne trouve pas ses mots :
    — Venez tout de suite… tout de suite… La cave ! La chaudière… C’est plein de cadavres qui brûlent. Vite !
     
    La nuit a chassé la foule. Un civil à bicyclette s’arrête devant le 21, met pied à terre : mince, de taille moyenne – 1,70 m –, une épaisse chevelure brune et, dans un visage blafard, d’étranges yeux noirs, mobiles, inquisiteurs, perçants comme ceux d’un oiseau de nuit. Il transpire à grosses gouttes mais ne semble pas hésiter. Poussant son vélo, il pénètre dans l’hôtel, passe sous la voûte de l’entrée. Le caporal Boudringhin l’aperçoit, proteste : de quel droit est-il entré ? À voix basse,

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