C’était le XXe siècle T.3. La guerre absolue
tout entier hors de la fenêtre, Faiola crie :
— Fermez la fenêtre ! Ne bougez pas !
D’en bas, une voix lui répond :
— Reculez-vous, Duce !
C’est Skorzeny. Laissant le commando allemand envahir l’hôtel, il grimpe l’escalier quatre à quatre, trouve un carabinier sur son chemin, le frappe d’un coup de crosse. Au second étage, il ouvre une porte au hasard : celle de Mussolini !
Un colonel italien veut s’interposer. On lui donne une minute pour se rendre. Il va chercher un gobelet de vin et le lève pour trinquer « aux vainqueurs ».
Face à Mussolini, Skorzeny se fige au garde-à-vous :
— Duce, c’est le Führer qui m’envoie. Vous êtes libre.
Mussolini ouvre les bras, le serre contre lui :
— Je savais que mon ami Adolf Hitler ne m’abandonnerait pas.
Ce qui frappe l’Autrichien, c’est l’apparence de l’ex-dictateur. Son costume de ville est fripé. Il arbore une barbe de plusieurs jours. Sur le crâne qu’il faisait tondre régulièrement, se voit une mousse de cheveux blancs de triste aspect. Seuls les yeux brillants, dilatés, rappellent le Mussolini d’autrefois.
De la vallée, le téléphérique amène, comme prévu, Mors et vingt hommes. En dernière analyse, on décide que Mussolini sera conduit à l’aérodrome d’Aquila où attend un Heinkel . Encore faut-il joindre l’aérodrome d’Aquila. Éperdument, on cherche la liaison téléphonique ou radio. On ne l’obtient pas.
Mussolini est sorti de l’hôtel. Pour lutter contre le vent glacé, il a endossé son pardessus. Toujours le même chapeau de feutre sombre. Mors lui annonce la nouvelle : le matin même, un autre commando allemand est allé, à la villa Rocca della Caminate , délivrer Rachele Mussolini et ses enfants. Présentement, la famille du Duce est en sécurité à Munich. Émotion du Duce. On prend photo sur photo. Skorzeny se glisse toujours à côté de Mussolini.
Mors se trouve face à un dilemme : le premier Fiseler Storch a bien atterri dans la vallée, mais il a cassé son train d’atterrissage. En revanche, l’autre Fiseler Storch, piloté par le capitaine Gerlach, vient de se poser près de l’hôtel : une véritable acrobatie. On entoure le pilote, on le félicite. Pense-t-il pouvoir repartir ? Grimace de Gerlach : il n’en est pas sûr du tout.
Mussolini observe et écoute tout cela. En quelques minutes, il s’est transformé. L’homme las, vieilli, marche maintenant, selon un témoin, « d’un pas plus assuré ». Il parle « avec confiance, la mâchoire projetée en avant ».
Mors a pris sa décision : quels que soient les risques, le Duce partira avec Gerlach. Pour permettre à l’appareil de prendre son vol, il faut déblayer une portion de terrain et notamment déplacer plusieurs blocs de rochers. Allemands et Italiens travaillent au coude à coude. Bientôt on dispose d’une sorte de piste de soixante mètres de long.
Les Allemands expliquent à Mussolini qu’on va le conduire à Rome puis, par un autre avion, à Vienne.
— Bien.
Son seul commentaire.
Devant l’hôtel, le personnel s’est aligné comme, en d’autres temps, on le faisait pour les invités de marque. Mussolini s’approche, serre les mains et adresse quelques mots à chacun. On l’entend dire, à voix très forte :
— Je vous remercie beaucoup et ne vous oublierai jamais.
Se dessinant sur l’horizon de montagnes, le petit avion attend. Storch veut dire cigogne. L’appareil paraît beaucoup plus frêle qu’une cigogne.
Au moment où l’on ramène vers l’hôtel les blessés du planeur n° 8 écrasé à l’atterrissage, Mussolini s’approche du Storch . Gerlach s’installe au poste de pilotage. Stupéfait, il voit accourir Skorzeny qui veut lui aussi monter dans l’avion !
Gerlach proteste avec violence. Skorzeny pèse près de cent kilos. Décoller sur une distance aussi courte, avec deux personnes à bord, tiendra déjà du prodige. À trois dans l’appareil, Gerlach ne répond plus de rien.
Cependant que Mussolini assiste sans intervenir à l’altercation, Skorzeny refuse de tenir compte de l’objection. De son propre aveu, il s’insinue « péniblement » derrière le deuxième siège sur lequel Mussolini vient s’asseoir à son tour. Le SS expliquera plus tard : « En cas de catastrophe, il ne me restait plus qu’à me brûler la cervelle, parce que Hitler ne m’aurait jamais pardonné d’avoir échoué à la fin de cette
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