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C’était le XXe siècle T.3. La guerre absolue

C’était le XXe siècle T.3. La guerre absolue

Titel: C’était le XXe siècle T.3. La guerre absolue Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Decaux
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minutes d’audition, le révoque de ses fonctions. Alors qu’il a déjà été révoqué un an plus tôt par Joseph Darnand pour avoir refusé d’exécuter certains ordres de la Milice ! »
     
    Sans tarder, Petiot a fait appel à M e  Floriot. Avec la collaboration de celui-ci, il va mettre soigneusement au point sa défense. L’accusation lui reproche vingt-sept victimes. Scandalisé, il répète :
    — J’en ai exécuté soixante-trois !
    Une telle forfanterie situe une fois de plus l’affaire au plein de son époque : les cadavres, Petiot est tout prêt à les endosser car ce sont ceux d’Allemands ou de collaborateurs . Il ne s’agit pas d’assassinats, mais d’actes patriotiques. Dans cette perspective, il ne reste plus qu’à décorer Petiot. Telle sera la thèse dont il ne démordra pas et dont René Floriot devra se faire le héraut.
    Tout au long de l’instruction et du procès, l’homme de la rue Le Sueur persistera : s’il n’a rien à voir avec les disparitions de Jean-Pierre Van Bever, de Mme Khait, de Guschinov, du docteur Braunberger ou de Denise Hotin, il affirme avoir réellement fait passer à l’étranger plusieurs autres personnes, notamment les Kneller. En ce qui concerne d’autres Juifs tels que les Basch, il s’agissait de complices des Allemands et il était logique qu’ils « payent » !
    Les Jo le Boxeur, François le Corse, Adrien le Basque, oui, ont eu le sort que méritaient des membres de la Gestapo. À propos de leurs femmes, il prononcera une formule d’un incroyable cynisme : « Que voulez-vous que j’en fasse ? » La liste ne cesse de s’allonger. Correspondra-t-elle au chiffre jeté – par hasard, on peut le penser – à Simonin le jour de son arrestation : 63 personnes ?
     
    Sur les murs de sa cellule, les gardiens découvriront cette inscription : « Ce que j’ai fait, c’est par esprit sportif que je l’ai fait, je ne demande même pas de remerciement. »
    On ne peut s’empêcher de découvrir, tout au long de la vie du personnage, un évident complexe de joueur. Que de fois il se place dans des situations inextricables ! D’autres s’y seraient englués. Lui rebondit. Peut-être en a-t-il conscience lorsque, dans sa cellule, il va écrire un livre intitulé : Le Hasard vaincu . Il cherche à démontrer mathématiquement la certitude de gagner à tous les jeux. Entre deux chapitres, il compose des poèmes.
    Le procès s’ouvrira le 18 mars 1946, dans la salle des assises du Palais de justice de Paris, pour s’achever le 4 avril.
     
    J’ai assisté à l’une des audiences. Je vois encore Petiot pénétrer dans le box des accusés. Avec soin, il plie son pardessus gris. Dominant le public et le regardant bien en face, il reste debout. Conscient de l’attention – souvent passionnée – dont il est l’objet, il s’assied enfin. Satisfait.
    Au banc de la défense se sont installés René Floriot et ses quatre collaborateurs : au Palais, on disait : « Floriot et ses boys. » Le président Leser mène les débats, l’avocat général Dupin endosse la charge de l’accusation.
    Ceux qui ont participé à ce procès en garderont longtemps le souvenir. Ils resteront marqués par le défilé de ces témoins hétéroclites appelés à la barre pour y être désarçonnés, malmenés, triturés par Floriot : astuce et provocation mêlées. Ils n’oublieront pas ses éclats :
    — Je n’ai pas prêté serment à Pétain, moi !
    Comment ne pas être frappé par le réquisitoire, impitoyable et convaincant, comment ne pas être hanté par l’admirable plaidoirie ? Floriot a parlé durant six heures mais quel avocat aurait pu sauver Petiot ? Reconnu coupable de vingt-six assassinats, il est condamné à mort.
     
    Le samedi 25 mai 1946, à 4 h 45 du matin, le directeur de la prison, l’avocat général Dupin, le juge d’instruction Gollety et M e  Floriot pénètrent dans la cellule de Petiot. Dupin s’avance vers le lit où repose le médecin :
    — Ayez du courage, Petiot, c’est l’heure.
    Petiot s’est dressé. Ses yeux noirs étincellent. Une seule réponse :
    — Tu me fais chier.
    — Avez-vous une déclaration à faire ?
    — Je viens de te la faire. Tu me fais chier.
    Il se lève. Un surveillant le libère de ses chaînes. Petiot change de ton. Il s’adresse à tous ceux qui sont là, les salue :
    — Messieurs…
    À l’adresse de Me Floriot, l’ombre d’un sourire

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