C’était le XXe siècle T.3. La guerre absolue
cherche à baptiser ce qui, dans l’univers, existe de plus petit. Si l’on admet que toute particule est divisible, on en vient fatalement au moment où la plus petite ne pourra plus être divisée. Démocrite l’appelle atome .
Au XVII e siècle de notre ère, Newton répète que tout ce qui existe dans notre univers est composé d’atomes. Avant de monter sur l’échafaud, Lavoisier dresse une liste de vingt-huit éléments dont il précise que chacun est composé d’une sorte particulière d’atome : atomes d’hydrogène, d’oxygène, de fer, d’or, de cuivre, etc. En 1808, John Dalton confirme la définition de Démocrite : « Les atomes sont les particules finales de la nature, indivisibles et éternelles (130) . »
L’erreur de Démocrite a duré vingt-deux siècles : l’atome lui-même est divisible. En 1895, l’Allemand Roentgen découvre les rayons X, sans pouvoir en expliquer la nature. L’année suivante, le Français Becquerel démontre que les sels d’uranium émettent des rayons « spontanément et sans cause aucune ». Plus tard, Pierre et Marie Curie, autres Français, appelleront cette propriété des atomes « radioactivité ». En 1902, Marie Curie isole le premier décigramme d’un corps dont elle avait annoncé théoriquement l’existence quarante-cinq mois plus tôt : le radium.
Des corps comme l’uranium, le thorium ou le radium émettent des rayonnements qui sont aussi de l’énergie. Reste à comprendre d’où celle-ci provient. En 1903, un physicien néo-zélandais, Ernest Rutherford, montre que « la radioactivité est une preuve et une mesure de l’instabilité des atomes et que les atomes de l’uranium et du thorium subissent une série de transformations spontanées ».
En 1905, un jeune Allemand de vingt-six ans, Albert Einstein, publie trois articles qui annoncent « la plus grande révolution scientifique depuis Galilée » : il expose la théorie de la relativité. Que la matière, jusque-là considérée comme inerte, contienne de l’énergie, voilà qui n’étonne pas Einstein. Pour lui, matière et énergie s’équilibrent. La matière peut se transformer en énergie et l’énergie en matière. Einstein pose l’équation E = mc 2 qui signifie que « l’énergie est directement proportionnelle à la masse multipliée par le carré de la vitesse de la lumière ». Il en déduit qu’« une quantité infime de matière peut se convertir en une énorme quantité d’énergie ».
Par la seule intuition mathématique, Albert Einstein vient d’enclencher le processus qui, quarante ans plus tard, aboutira à la bombe d’Hiroshima.
Dans les années 1920 et 1930, de jeunes savants cherchent éperdument – et passionnément – le secret de la matière : Ernest Rutherford à Cambridge, Niels Bohr à Copenhague, Max Born et Jacob Franck à Göttingen, Frédéric Joliot-Curie à Paris, Enrico Fermi en Italie.
En préconisant l’emploi de neutrons pour la désintégration des atomes, Enrico Fermi ouvre la voie à de nouvelles applications, ce qui lui vaut, en 1938, le prix Nobel de physique. L’année suivante, il quitte l’Italie pour l’Amérique : sa femme, Laura, est juive. La pire des campagnes antisémites a commencé en Allemagne hitlérienne et Fermi redoute que l’Italie fasciste n’en subisse la contagion.
Les persécutions hitlériennes vont d’ailleurs éloigner d’Europe plusieurs savants atomistes. Juste retour des choses : si Hitler n’avait pas voulu imposer son absurde doctrine raciale, peut-être aurait-il disposé de la bombe atomique avant les Américains.
Parmi ces exilés aux États-Unis, un physicien hongrois du nom de Léo Szilard ne peut que susciter un intérêt particulier : perpétuellement inquiet, d’une sensibilité exacerbée, ses intuitions sont admirables, mais tout autant ses enthousiasmes et ses angoisses. À vingt-deux ans, il a quitté la Hongrie pour Berlin afin d’étudier la physique. Il y a passé sa thèse et, en 1933, a gagné l’Angleterre où il a voulu vérifier son hypothèse selon laquelle un neutron, s’il frappe le noyau d’un atome d’uranium et le partage en deux, émet aussi des neutrons. C’est pour aller plus loin dans sa recherche que Szilard est parti pour l’Amérique où Fermi puis Niels Bohr l’ont rejoint.
Alors éclate, tel un coup de tonnerre, la nouvelle de la fission réalisée par Hahn et Strassmann en Allemagne. Pas de doute : malgré
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