C’était le XXe siècle T.3. La guerre absolue
car, au lieu de les inhumer comme nous le faisions pour les autres, nous les placions bien en évidence auprès des maisons où habitaient des militaires de la Wehrmacht. »
Petiot affirme : « Je n’ai jamais laissé aucun de nos cadavres dans l’hôtel de la rue Le Sueur. J’avais dans cet hôtel la plus grosse partie de ma fortune et ce quartier étant presque totalement réquisitionné par les Allemands, je m’attendais à tout instant à les voir s’emparer de mon hôtel. » Il évoque longuement son arrestation par les Allemands, enchaîne sur son séjour à Auxerre après sa mise en liberté et l’étrange découverte qu’il a faite à son retour me Le Sueur : « Dans la cour, derrière le garage, une fosse que j’avais fait sceller par des ouvriers avait été ouverte et je constatais qu’elle contenait des cadavres pêle-mêle… Ces cadavres étaient récents et je suis certain qu’ils avaient été mis dans cette fosse pendant que j’étais en prison. Ces cadavres sentaient très mauvais, c’est pourquoi j’ai téléphoné à mon frère à Auxerre pour lui demander de se procurer de la chaux, sans lui indiquer le motif de ma demande. La chaux ne fut jamais mise dans la fosse. Quant aux cadavres, j’avais donné l’ordre de les faire disparaître mais mes amis se contentèrent de les mettre dans le garage après les avoir recouverts de chaux. La plupart des cadavres furent brûlés dans la chaudière à eau chaude. La police intervint dans des circonstances que je ne connais que très mal, au moment où l’on faisait brûler ces cadavres. La police me téléphona à mon domicile et je me transportais rue Le Sueur où je fus mis au courant par la police de la découverte qui venait d’être faite. Je demandais aux agents d’étouffer l’affaire en intervenant auprès du commissaire de police qui n’était pas encore arrivé. Puis, sur le conseil d’un des agents, je m’en allais sans attendre l’arrivée du commissaire. »
Le jour même de son arrestation, tout le système de défense de Petiot est en place.
L’histoire de l’arrestation de Petiot aurait pu s’arrêter là si, le 13 mars 1946, le journal Résistance n’avait publié un article de Jacques Yonnet révélant que le capitaine Simonin était un ancien commissaire aux Renseignements généraux de Quimper, nazi acharné, délateur, tortionnaire, responsable de centaines de déportations, de dizaines de fusillades de patriotes. Il avait notamment dénoncé les députés Le Bail et Le Gorgeu, et tenté de traquer Tillon.
De telles accusations vaudront à Simonin d’être traduit en Cour de justice… pour y être acquitté. Il m’a expliqué comment, selon lui, ces accusations ont été montées de toutes pièces pour parer à un possible amalgame entre les protecteurs de Petiot et le parti communiste : « Bien entendu, dès le dépôt du dossier entre les mains du magistrat instructeur, on en a eu copie au moindre document près Carrefour Kossuth (127) et, conformément à une tactique immuable, on a ouvert une enquête serrée sur ce policier Simonin qui s’était permis d’arrêter un membre du parti. Immédiatement, la presse aux ordres de Moscou, à tout hasard, a proclamé qu’il s’agissait d’un “policier nazi”, auteur d’innombrables crimes et de déportations plus nombreuses encore… Un certain Le Brun qui siégeait à l’Assemblée consultative comme représentant de la CGT a interpellé le gouvernement au sujet du fonctionnement et de la composition de la DGSS. Il s’agissait de la Direction générale de Services spéciaux, placée sous la direction du colonel Passy et qui avait pris la suite du BCRA de Londres. » Il est de fait que l’orateur, ce jour-là, en est venu au cas du capitaine Simonin : « Ce nazi, tortionnaire, agent de renseignement de la Gestapo, faisait partie de la police de Pétain. Il a massacré des centaines de résistants, dénoncé, déporté, traqué des milliers de patriotes. »
Pour Simonin, cette escalade tend à un seul but : « Démontrer que si, du côté communiste, on a Petiot dans ses rangs, du côté gaulliste on se sert de nazis pour faire la police. Et le parti peut aussitôt mesurer l’étendue de son pouvoir : dès le lendemain, un décret transforme la DGSS en DGER (Direction générale des Études et Recherches). Le surlendemain, Simonin est convoqué devant le Comité d’épuration de la Sûreté nationale qui, en cinq
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