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C’était le XXe siècle T.3. La guerre absolue

C’était le XXe siècle T.3. La guerre absolue

Titel: C’était le XXe siècle T.3. La guerre absolue Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Decaux
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l’hémorragie de ses cerveaux, l’Allemagne reste en tête des recherches atomiques. C’est ce que ressentent douloureusement les physiciens juifs et les réfugiés politiques accueillis par les États-Unis. Désormais, il est démontré que l’on peut obtenir une réaction en chaîne. À la suite de quoi « le premier projectile-neutron déclencherait un processus sans fin, capable d’atteindre les proportions d’une explosion de puissance inimaginable ».
    L’avance prise par les Allemands se révèle redoutable. « Je pensais, dira Szilard, que les Allemands étaient plus avancés que nous et qu’ils procéderaient sans tarder à l’étude des applications pour des buts militaires. » Comment parer à ce danger ? Telle est, en 1939, la préoccupation dominante des chercheurs émigrés. Szilard et ses amis décident que, désormais, ils ne publieront plus les résultats de leurs propres travaux. Persuadés que le gouvernement nazi a pris conscience des possibilités militaires de la nouvelle découverte, ils estiment, dira encore Szilard « que le gouvernement des États-Unis a l’ obligation de considérer cette situation en face ». Inutile de se leurrer : la mise en œuvre d’une telle entreprise exigera des moyens énormes. Les maigres budgets alloués aux laboratoires ne peuvent suffire qu’à financer une part infime des expériences nécessaires. Seul, le gouvernement américain peut faire face aux charges financières d’une telle entreprise.
    Si du moins il veut en assumer la responsabilité.
     
    En 1939, le président des États-Unis s’appelle Franklin Delano Roosevelt. Comment parvenir à le convaincre ? Les atomistes émigrés ont conscience, quels que soient leurs mérites, d’être fort inconnus de l’homme qui, à peine élu, a dû faire face à la dépression qui accablait les Américains et, en leur proposant un audacieux programme économique – le New Deal  –, les a sauvés.
    C’est donc par une voie détournée que Fermi cherche à agir. Il sait que la Marine – seule parmi les forces armées – dispose de crédits pour la recherche scientifique. L’amiral Hooper l’éconduit. Ne lui jetons pas la pierre et méditons plutôt cette confidence de Fermi à sa femme :
    — Il ne faut pas oublier qu’une bombe atomique, au mois de mars 1939, apparaissait comme très peu vraisemblable, et que nous n’étions pas sûrs non plus de ne pas poursuivre une chimère.
    Pour être entendu de Roosevelt, Szilard songe alors à Einstein. Sa gloire est à son zénith. Même l’homme de la rue a entendu parler de la théorie de la relativité. L’ennui est qu’Albert Einstein – délibérément – est demeuré en dehors des recherches en cours. Il ne se sent pas compétent pour intervenir. Sur les instances réitérées de Szilard, il accepte enfin : il écrira à Roosevelt. À condition que la lettre soit préparée en commun.
     
    Le message d’Einstein à Roosevelt représente un moment essentiel de l’aventure humaine. Il date du 2 août 1939. Einstein rappelle à Roosevelt « qu’au cours des quatre mois qui viennent de s’écouler, les recherches de Joliot en France, de Fermi et de Szilard aux États-Unis ont développé considérablement les possibilités de provoquer une réaction en chaîne qui libérerait dans une grosse masse d’uranium des quantités énormes d’énergie… Ce nouveau phénomène pourrait conduire également à la fabrication de bombes dotées d’une puissance énorme ». Einstein avertit Roosevelt : l’Allemagne a pratiquement interrompu la vente de l’uranium extrait des mines tchécoslovaques. C’est donc qu’elle tient à le conserver à des fins évidentes. L’Allemagne de Hitler disposera-t-elle la première de la bombe atomique ?
     
    Eté 1939. En Europe, l’histoire galope. Hitler signe avec Staline le pacte germano-soviétique, il écrase la Pologne qu’il partage avec les Russes. La lettre d’Einstein dort dans les dossiers : Roosevelt a d’autres préoccupations. Patiemment, son conseiller économique, Alexander Sachs – qui lui-même a souhaité qu’Einstein écrivît sa lettre au président – attend le moment propice.
    Le 12 octobre 1939, il estime l’heure venue : il remet la lettre à Roosevelt qui la lit avec attention. Sera-t-il ébranlé ? Sachs, qui connaît bien le passé et mieux encore son Franklin, lui conte alors une anecdote significative. Pendant des années, Napoléon a rêvé

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