C’était le XXe siècle T.3. La guerre absolue
d’envahir l’Angleterre. Il n’y est jamais parvenu. Toujours les vents se sont révélés contraires. Un jeune inventeur du nom de Fulton est venu lui proposer de construire pour lui des navires à vapeur. Toute une flotte. L’empereur pourrait traverser la Manche au jour qu’il choisirait. L’Angleterre une fois écrasée, il serait maître du monde. Napoléon a éconduit Fulton. L’affaire lui paraissait peu sérieuse. Il n’avait pas de temps à perdre. C’est ainsi que, jamais, jamais il ne fut maître du monde (131) .
Derrière ses lorgnons, les yeux de Franklin D. Roosevelt étincellent. Pensif, il aspire une bouffée de son long fume-cigarette. Il se fait apporter une bouteille de fine Napoléon, trinque avec Sachs. Puis il convoque d’urgence le général Watson qui – surnommé Pa dans l’intimité – est chargé des affaires « très secrètes ». Roosevelt lui tend la lettre d’Einstein.
— Pa, dit-il, cela exige que nous agissions immédiatement.
Le 19 octobre, Roosevelt dicte sa réponse à Einstein. Elle est positive. Tout va donc commencer ce jour-là. L’énorme machine américaine va se mettre en marche. Au bout du chemin, éclatera là bombe d’Hiroshima.
Einstein dira : « Si j’avais su, je n’aurais jamais signé cette lettre. »
19 octobre 1939 – 6 août 1945 : un peu moins de six années séparent la décision prise par Roosevelt de la bombe larguée par l’ Enola Gay . Pour parvenir à la réussite, que de tâtonnements, d’espoirs déçus puis réalisés, de critiques auxquelles il a fallu répondre, de soupçons dont on a dû se justifier ! Des dizaines de milliers d’hommes ont travaillé au grand projet. Deux milliards de dollars ont été dépensés. On a construit une ville entière. Un seul pays au monde était capable de hasarder un tel pari, de lui accorder de tels moyens – et de gagner : les États-Unis d’Amérique.
Dès le 21 octobre 1939, on désigne un groupe de travail. Szilard en fait partie. Savants atomistes et militaires associent leurs efforts. Les recherches avancent très lentement. Il faut dire que, pour la période 1940-1941, le gouvernement américain ne consacre à l’entreprise que 300 000 dollars.
Soyons lucides. Le gouvernement américain accorde de l’argent pour la recherche nucléaire mais la décision de fabriquer la bombe n’est pas encore prise. Rappelons que les États-Unis ne sont pas en guerre et que, longtemps, Roosevelt a dû compter avec un corps électoral en majorité isolationniste.
Qui plus est, les savants eux-mêmes divergent sur la direction à donner aux recherches. Il faudra longtemps pour que l’on conclue que c’est l’uranium 235 qu’il faut désintégrer.
En 1941, Hitler entre en Russie. La tension avec le Japon augmente de jour en jour. On va tout droit à une guerre planétaire. De leur côté, les savants britanniques, poussant très loin leurs propres recherches sur la séparation de l’U-235 de l’U-238, ont mis au point un remarquable procédé : la diffusion gazeuse. Roosevelt n’hésite plus : la Grande-Bretagne et les États-Unis conjugueront leurs efforts pour la fabrication d’une bombe atomique. La décision est datée du 6 décembre 1941. Juste avant Pearl Harbor.
Nom de l’entreprise : projet Manhattan. Son chef : le général Leslie Groves. L’effort se révèle si considérable que le premier complexe industriel réalisé à Oak Ridge fait de la ville, en quelques mois, la cinquième du Tennessee.
Cependant les exigences en hommes et en matériel augmentent sans cesse. La dispersion des installations et des laboratoires à travers plusieurs États se révèle incommode donc peu efficace. Si l’on veut réussir, il faut concentrer tous les efforts. Dans le désert du Nouveau-Mexique, Groves va choisir un lieu éloigné de tout, donc à l’abri des indiscrets et des espions. Cela s’appelle Los Alamos. En l’espace de quelques semaines, les savants disparaissent de leurs laboratoires. Leurs familles elles-mêmes ignorent où ils se sont rendus. Ils se sont retrouvés à Los Alamos, autour d’une bombe qui n’existe qu’à l’état d’hypothèse.
L’heure historique sonnera le 2 décembre 1942. Ce jour-là, au cours de l’après-midi, dans une salle située sous le terrain de football de l’université de Chicago et devant les savants affectés au projet Manhattan, Enrico Fermi procède à la première réaction en chaîne que
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