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C’était le XXe siècle T.3. La guerre absolue

C’était le XXe siècle T.3. La guerre absolue

Titel: C’était le XXe siècle T.3. La guerre absolue Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Decaux
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sujets…
    Cette voix, selon Marcel Gugliaris, est « mal assurée, elle tremble un peu ». William Craig la juge « faible, aiguë et nasillarde, elle chevrote un peu, comme si l’effort qu’elle s’imposait était trop rude  (135)  ».
    Elle annonce à cent millions de Japonais qu’ils ont perdu la guerre et que leur empereur capitule.
     
    Pour les Occidentaux, peu imprégnés des traditions et de la religion japonaises, ce discours a marqué l’aboutissement d’un processus logique : l’apocalypse déchaînée par les bombes atomiques d’Hiroshima et de Nagasaki a persuadé les dirigeants japonais que toute résistance se révélait inutile. Par voie de conséquence, le gouvernement japonais s’est résigné à accepter les termes de la déclaration adoptée à Potsdam par les États-Unis, la Grande-Bretagne, la Chine, puis l’URSS selon laquelle les Alliés ne recevraient du Japon qu’une capitulation sans condition. L’empereur ne s’est adressé à ses sujets que pour souligner l’aspect solennel de la décision gouvernementale.
    Or ce raisonnement très occidental n’a nullement correspondu à la réalité. Le discours de l’empereur Hiro-Hito n’a représenté que l’épisode ultime d’une série d’affrontements inexpiables qui ont déchiré le gouvernement, l’Armée, la Marine. Dans cette lutte des dernières heures, plusieurs personnalités ont perdu la vie. Jusqu’au dernier moment, le discours de l’empereur a failli n’être pas diffusé. Pendant une partie de la nuit du 14 au 15, des rebelles – partisans de la poursuite de la guerre – ont, dans un palais entièrement investi, réduit l’empereur à l’état de prisonnier.
    Il a fallu des années pour que la vérité fut connue des Japonais eux-mêmes. C’est en 1965 seulement que l’enquête exhaustive de la Société japonaise de recherches sur la guerre du Pacifique, a vu le jour  (136) . On y a découvert que, pendant les heures où le destin hésitait, c’est à peine si, au Japon, l’on a tenu compte de la bombe atomique.
     
    Tout commence, le 27 juillet 1945, quand on capte à Tokyo une émission en provenance de San Francisco qui fait état d’une Déclaration de Potsdam . La veille, dans la banlieue de Berlin chère à Frédéric II, les représentants des États-Unis, de la Grande-Bretagne et de la Chine ont signé une déclaration commune, préalable des conditions d’une paix avec le Japon. Celles-ci sont qualifiées d’« immuables ». Elles ne souffriront « aucune alternative ». Elles ne toléreront « aucun retard ». Tout est dit en quelques lignes : « Le moment est venu, pour le Japon, de savoir s’il veut se laisser gouverner par une caste militaire despotique qui, avec ses spéculations insensées, a conduit l’Empire japonais au bord de la ruine, ou s’il veut prendre le chemin de la raison. » Et encore : « Nous n’avons aucunement l’intention de réduire les Japonais en esclavage ni de les supprimer en tant que nation ; il sera néanmoins demandé des comptes à tous les criminels de guerre, y compris ceux qui se seront rendus coupables de cruauté envers des prisonniers de guerre. Le gouvernement japonais éliminera tous les obstacles qui s’opposent à la renaissance et au renforcement des tendances démocratiques du peuple japonais. La liberté de pensée, de parole et de religion, de même que l’observation des principes fondamentaux des droits de l’homme devront être garanties. »
    Une menace très claire couronne cet avertissement sans nuance : « Nous sommons le gouvernement japonais d’ordonner la capitulation sans condition de toutes ses forces armées et de donner des garanties nécessaires qu’il agit de bonne foi. Dans le cas contraire, le Japon s’exposera à une rapide et totale destruction. »
    C’est à un pays exsangue que s’adresse la Déclaration de Potsdam. Toutes les dernières batailles, aériennes, terrestres, navales, le Japon les a perdues. Chassé des Philippines, il s’est vu coupé de presque toutes ses matières premières, en particulier du pétrole. La pénurie d’essence a obligé le commandement à réduire à quelques jours l’entraînement des jeunes pilotes de chasse  (137) . La production des usines d’armement s’est dangereusement amenuisée. Les bombes incendiaires ont fait de la plupart des villes un amas de ruines calcinées. Le peuple affamé se terre dans les caves ou des abris de fortune. Pour

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