C’était le XXe siècle T.3. La guerre absolue
assaillaient les autorités soviétiques de questions embarrassantes ! Quel merveilleuse échappatoire c’eût été de pouvoir affirmer que l’on avait perdu toute trace des prisonniers polonais au moment de l’arrivée des Allemands, dénonçant ainsi leur capture et leur assassinat probable par les soldats de Hitler ! Malheureusement, le NKVD n’y a songé que deux ans après.
Au fil des années, les auteurs du scénario ont subi l’épreuve des faits. À quoi bon fabriquer tant de témoignages concluant à la mise à mort de Polonais au cours de l’été 1941 et n’avoir apporté aucune explication plausible quant à cette capote d’hiver fourrée dont ils étaient revêtus ? Pour répondre à la « version provocatrice » des experts internationaux qui n’avaient trouvé, sur les cadavres, aucun document postérieur à avril 1940, la commission soviétique a dû se livrer à des contorsions dignes de Dracula ou de Frankenstein. Qu’on en juge : les Allemands « outre qu’il exhumaient les cadavres, en apportaient d’autres venus d’ailleurs qui étaient ensuite jetés dans des fosses avec ceux qui venaient d’être déterrés ». Des « témoins » ont donc « vu », au début de mars 1943, des prisonniers russes aux mains des Allemands occupés à rouvrir les fosses pour extraire de leurs poches les lettres, photos et tous les objets qu’ils trouvaient ! Excellent témoignage que celui de Nicolaï Egorov : « Objets, documents et lettres retirés des vêtements furent examinés par les officiers allemands. Ceux-ci obligèrent ensuite les prisonniers à remettre une partie des papiers dans les poches des cadavres ; le reste – objets et documents – était jeté en tas et ensuite brûlé. En outre, les Allemands faisaient mettre dans les poches des cadavres d’officiers des papiers qu’ils tiraient des caisses ou de valises amenées sur les lieux. » L’absence de documents postérieurs à avril 1940 ? C’est que les Allemands les avaient retirés. La preuve ? La commission soviétique, elle, a heureusement retrouvé des documents largement postérieurs, se situant jusqu’au 20 juin 1941. Que demander de plus ?
On pense à ces hautes personnalités soviétiques qui ont présidé aux travaux de la Commission et qui ont apporté aux visiteurs du 15 janvier 1944 la caution de leur notoriété. Il ne faut jamais oublier que les gens d’un tel rang bénéficiaient de prébendes considérables et que, pour les conserver, ils ne pouvaient se permettre la moindre incartade. Sous leurs yeux, certaines de leurs connaissances étaient passées de l’extrême faveur à la prison, à la déportation, voire au peloton d’exécution.
Aucun d’entre eux ne s’est expliqué, hormis peut-être le président de la Commission, l’académicien Burdenko. Quoique ses propos ne nous soient connus qu’indirectement, ils sonnent juste. Il les aurait tenus en 1946, année de sa mort, à son ami Olchansky :
— Il est certain que d’autres Katyn existent… Si l’on se met à creuser le sol de notre mère Russie, on trouvera un certain nombre de fosses semblables… Nous étions obligés de donner un démenti formel à l’accusation allemande. Obéissant à l’ordre personnel de Staline, je me suis rendu à Katyn où venaient d’être découverts les charniers… Tous les corps étaient ensevelis depuis quatre ans. La mort remontait à 1940… Pour moi, médecin, le fait est évident et aucune contestation n’est possible. »
Sous le feu des projecteurs, dans la vaste salle rectangulaire du Tribunal international de Nuremberg, les « grands criminels de guerre » sont sagement assis au banc des accusés. Chaque jour, Goering, Ribbentrop, Keitel, bien d’autres, se voient extraits de leur cellule pour y être confrontés aux atrocités dont on les présume coupables : alternativement, des procureurs américains, britanniques, français et soviétiques soutiennent l’accusation.
Le 8 février 1946 va marquer le moment le plus ahurissant du procès. Ce jour-là, le procureur soviétique Rudenko se lève pour reprocher à l’Allemagne l’invasion de la Pologne. Aussitôt, parmi les accusés, se déclenchent des « mouvements divers ». On voit Goering et Hess ôter leurs écouteurs. Le président s’étonne : l’ex-maréchal du Reich refuse-t-il de suivre les débats ? Réponse :
— Je ne pensais pas qu’ils auraient l’impudence de faire allusion à
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