C’était le XXe siècle T.3. La guerre absolue
la Pologne.
Le docteur Gilbert, délégué américain, intervient :
— Pourquoi parlez-vous d’impudence ?
— Parce qu’ils ont envahi la Pologne en même temps que nous ! intervient Baldur von Schirach. Quand ils ont mentionné la Pologne, j’ai cru mourir de rire.
Les Soviétiques vont lui en procurer d’autres occasions. Le 14 février, le colonel Pokrovsky se lève pour faire connaître que, parmi les crimes de guerre reprochés aux inculpés, l’URSS a décidé d’inscrire… le massacre de Katyn. Le procureur soviétique commente longuement le rapport de la commission d’enquête de 1944, accuse les nazis d’avoir assassiné 11 000 victimes innocentes et manifeste à cet égard une réprobation édifiante. Il se déclare même en mesure de désigner les coupables. Selon lui, ils appartenaient au 537 e régiment allemand de transmission. Celui-ci était commandé par l’Oberleutnant Arnès, l’Oberleutnant Rekst et le lieutenant Hott.
À la suite de cette intervention – qui fait grand bruit dans la presse internationale – d’anciens militaires du 537 e vont spontanément prendre contact avec les avocats. Si Rekst, probablement fait prisonnier par les Soviétiques, a disparu, le général Oberhäuser, commandant du service allemand des transmissions, le colonel Ahrens – et non Arnès – et le lieutenant Hott se proposent de témoigner. Le tribunal accepte que deux d’entre eux viennent répondre aux questions du tribunal. Voici qui ne fait pas l’affaire du colonel soviétique qui proteste avec colère. Le général Rudenko accourt lui prêter main-forte. Le ton monte :
— Si le tribunal juge indispensable, crie Rudenko, de devoir admettre de nouveaux éléments de preuves, c’est-à-dire deux nouveaux témoins pour l’affaire des exécutions de la forêt de Katyn, le Ministère public soviétique considérera comme indispensable de citer environ dix nouveaux témoins, experts et spécialistes, ainsi que de produire au tribunal les nouvelles pièces mises à notre disposition !
Il faut de longues semaines de tractation entre le parquet soviétique, la défense et le secrétariat du président pour que le tribunal décide enfin d’entendre six témoins, trois pour la défense, trois pour l’accusation (21) . Il est clair aujourd’hui que c’est délibérément que le parquet soviétique a fait traîner les choses. Face à la perspective de témoins dont on pouvait craindre qu’ils apportent les preuves d’un crime soviétique, il fallait impérativement disposer du temps nécessaire à la production de témoignages contradictoires. Autrement dit, préparer ces faux témoins et puiser éventuellement dans le vivier rassemblé avec tant d’énergie trois ans plus tôt.
La libéralisation des archives soviétiques permet aujourd’hui de disposer d’un document dont on ne peut que souligner le caractère prodigieux. Il figure dans les archives d’État de la Fédération de Russie (22) . Il s’agit d’un rapport qui révèle que, le 21 mars 1946, se sont réunis les camarades Vychinsky, Merkulov, Gorchenine, Abakumov, Rytchkov, Goliakov et Lavrov. Le moindre commentaire affaiblirait la portée d’un tel texte. Je me bornerai à le citer :
« Après la communication du camarade Vychinsky sur le déroulement du procès [de Nuremberg], la commission décide de préparer les matériaux suivants sur la question de Katyn :
1. Préparer (23) les témoins bulgares. Pour cela, le camarade Abakoumov se rendra en Bulgarie.
2. Préparer trois à cinq témoins russes et deux experts médicaux. Prozorovsky, Semienovsky et Smolianinov. Le camarade Merkulov s’en charge.
3. Préparer des témoins polonais et leurs témoignages. Le camarade Gorchenine s’en charge par l’intermédiaire de T. Sofonov et T. Savitsky.
4. Préparer (arranger) des documents authentiques trouvés auprès des corps, ainsi que des expertises médico-légales de ces cadavres. Le camarade Merkulov est chargé de ce travail.
5. Faire un documentaire filmé sur Katyn. Le camarade Vychinsky s’en occupe.
6. Le camarade Merkulov va préparer un témoin allemand ayant participé à la provocation allemande de Katyn. »
Tout est prêt pour le moment où le Tribunal de Nuremberg va évoquer de nouveau les charniers de Katyn.
Le 1 er juillet 1946, les débats reprennent à Nuremberg. Les témoins allemands n’ont aucune peine à démontrer qu’ils ne sont en rien
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