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C’était le XXe siècle T.3. La guerre absolue

C’était le XXe siècle T.3. La guerre absolue

Titel: C’était le XXe siècle T.3. La guerre absolue Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Decaux
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Kurt est à l’unisson. Dès le mois de mai 1933, il adhère au parti nazi, mais il va bien au-delà en s’engageant dans les SA. Après les premières exactions commises par les sections de Roehm, le pasteur Rehling l’admoneste : selon lui, un chrétien ne peut plus pactiser avec le nazisme. Gerstein répond :
    — Il se peut que le jour vienne où vous devrez dire : « Chrétiens, entrez dans le parti ! »
    Il croit encore à une prédominance du spirituel au sein du national-socialisme. Le programme de Hitler s’enveloppe d’une brume volontaire qui génère des analyses contradictoires.
     
    Nommé, en novembre 1935, adjoint des mines de l’État, Gerstein n’abandonne rien de son militantisme chrétien. Une lutte de plus en plus âpre s’engage entre le parti et une fraction importante des protestants allemands. On ne peut plus douter que le nazisme soit foncièrement antichrétien. D’ailleurs une nouvelle étape est franchie : tous les mouvements indépendants de jeunesse sont dissous. De ce fait, 800 000 jeunes chrétiens se trouvent automatiquement intégrés à la Jeunesse hitlérienne.
    C’est plus que ne peut en supporter Kurt Gerstein. Ce qui attend « ses » garçons, c’est un endoctrinement matérialiste où ils peuvent se perdre. Alors, il agit. Il adresse un télégramme de protestation à Baldur von Schirach, responsable nazi de la jeunesse. Un autre à l’évêque du Reich, Müller. En vain. L’État nazi confirme sa mainmise sur les jeunes générations. Malgré les interdits, Gerstein réunit un certain nombre de jeunes gens pour leur donner officiellement des « leçons de Bible », en fait pour condamner les tendances antichrétiennes de l’hitlérisme. Un espion du parti, parvenu à se glisser au sein de l’auditoire de Gerstein, écrit : « Le jeune Gerstein a poussé l’audace jusqu’à encourager les membres présents de la Jeunesse hitlérienne à quitter celle-ci, les a incités à revenir au sein des organisations confessionnelles et a conseillé leurs camarades à faire de même  (51) . Il en est venu à exprimer le souci que lui causent les “sombres perspectives d’avenir” et s’est répandu en insultes contre le nouveau paganisme . »
    Kurt Gerstein est devenu un contestataire. L’étrange est qu’il soit resté membre du parti. On commence à distinguer ce qui, au-delà d’une tactique, deviendra chez lui un élément d’efficacité. Il se sent d’autant plus libre de critiquer l’organisation qu’il demeure en son sein.
    Il va bientôt passer à l’action. La Jeunesse hitlérienne a monté une pièce antichrétienne, Wittekind , d’Edmund Kiss. Gerstein décide d’assister à l’une des représentations. Au milieu des membres du parti en uniforme, il s’assoit au premier rang. Fidèle à sa propre stratégie, il arbore l’insigne du parti. La pièce se déroule sans qu’il trouve d’abord motif à réagir. Mais voici qu’un acteur proclame :
    — Nous ne voulons pas de Sauveur qui se lamente et qui crie !
    Gerstein se dresse et hurle :
    — Nous ne laisserons pas insulter publiquement notre foi sans protester !
    Réaction immédiate : les hitlériens qui l’entourent lui tombent dessus. Il s’en tire avec une blessure à un œil et quelques contusions.
     
    En 1935, Hitler fait proclamer les lois de Nuremberg : les Juifs allemands se voient totalement isolés de la nation. Alors que l’occasion semble venue de faire entendre une protestation, les Églises se taisent. Un pasteur expliquera : « Nous avions tous peur de heurter le régime en son point le plus sensible…»
    Il faut voir la réalité en face : Gerstein ne réagit pas davantage que ses frères en religion. On sait qu’il a aidé financièrement un chrétien d’origine juive à poursuivre ses études de théologie. Rien de plus. Voilà qui est d’autant plus étonnant qu’il reste intraitable sur la liberté de conscience. Quand le camp de vacances qu’il organise, à la Pentecôte de 1935, est l’objet d’une perquisition, il adresse une lettre très rude à la Gestapo de Dortmund.
    Il se fiance. L’élue, fille d’un pasteur, se nomme Elfriede Bensch. À l’époque, Gerstein semble dévorer la vie. Il ne s’accorde jamais de détente. Alors que tant d’Allemands consacrent une part de leur existence aux arts, il s’y refuse. À ses yeux, il s’agit de temps perdu. Un ami se souvient : « La seule chose qui pouvait l’occuper des

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