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C’était le XXe siècle T.3. La guerre absolue

C’était le XXe siècle T.3. La guerre absolue

Titel: C’était le XXe siècle T.3. La guerre absolue Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Decaux
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l’année dernière, ici, à Stockholm  (81) . »
    — Ce que je voudrais savoir, c’est quelles ont été vos propres réactions devant ces révélations qui étaient stupéfiantes et effroyables. Qu’avez-vous ressenti, vous, personnellement ?
    « — Mon impression de Kurt Gerstein était et est encore qu’il était tout à fait sincère, qu’il était idéaliste sur le plan religieux et que c’était son but, son espoir, que par l’intermédiaire d’un pays neutre, ce crime soit terminé. J’ai eu l’occasion, après la guerre, de lire les rapports de Gerstein et j’ai retrouvé que tout ce qu’il a écrit dans ses rapports sur les faits de Belzec, sur notre rencontre, est tout à fait parallèle avec mes souvenirs. J’étais très préoccupé, naturellement, de son sort. Et, après l’armistice, j’ai écrit à un collègue à l’ambassade à Londres, décrivant la rencontre avec Gerstein et donnant mon impression qu’il a fait tout ce qu’il a cru possible pour mettre une fin à cette extermination. Mon but était éventuellement que ce témoignage en faveur de Gerstein fût transféré aux autorités alliées après l’armistice, aux autorités d’occupation. Et j’ai été très déçu d’entendre que Gerstein est mort quelques jours avant l’arrivée de ma lettre à Londres. Si c’est par suicide ou d’une autre façon, je ne sais pas. Mais je tiens beaucoup à dire que Gerstein est un Allemand qui a fait son meilleur pour travailler contre cette extermination. »
     
    Le train de Varsovie vient d’entrer en gare de Berlin. Gerstein a pris congé du Suédois. C’est à peine s’il tient encore debout. Il n’en téléphone pas moins à l’un de ses amis et collaborateurs, l’ingénieur Armin Peters, pour lors affecté à la Luftwaffe. Il le supplie de venir le voir immédiatement. Ce que fait Peters.
    Témoignage d’Armin Peters  : « Gerstein était complètement épuisé, fatigué par le voyage et affamé, mais incapable de manger quoi que ce soit ou de se reposer. Tout à fait hors de lui, il me décrivit en détail le déroulement des exterminations ainsi que les moyens utilisés à cet effet. Il me dit avoir découvert la véritable raison des collectes de vêtements que l’on effectuait pour les travailleurs de l’industrie. D’après lui, il s’agissait de camoufler ainsi les vêtements des victimes ramassés dans les camps d’extermination, pour pouvoir ensuite les distribuer aux travailleurs… Ni Gerstein ni moi n’avons pu fermer l’œil pendant cette nuit. Nous discutâmes de la situation et de tout ce qu’il nous était possible de faire. Nous décidâmes de faire d’abord connaître ces faits de bouche à oreille…»
    Telle sera la tactique que s’imposera désormais Gerstein : il faut que la vérité se répande partout et qu’elle soulève d’indignation le monde. Il faut que les Allemands eux-mêmes obligent les nazis à mettre fin à cette barbarie.
    On sait comment s’est achevée la démarche de Gerstein à la nonciature. C’est ainsi que son témoignage n’est jamais parvenu à sa destination : le Vatican.
    Il s’entête. Les visites qu’il rend à Berlin, à l’ambassade de Suisse et au coadjuteur de l’évêque catholique, ont fait – elles – l’objet de rapports. Il avertit l’un de ses amis hollandais et celui-ci en réfère à Londres.
     
    Il sait ce qu’il risque, Kurt Gerstein. En permanence, il porte sur lui un revolver et une capsule de cyanure. L’architecte Völckers est clair : « Il envisageait une mort certaine. »
    Il faut le voir, dans son intimité berlinoise, fréquentant les offices, réunissant des amis chez lui, leur lisant les évangiles, priant avec eux – et dénonçant inlassablement les massacres dans les camps. L’un de ceux qui ont prié avec lui témoigne : « Il arrivait souvent qu’il souffrît de dépression. Il était abattu et si agité que nous devions l’exhorter au calme. »
    L’ambiguïté de sa double vie s’alourdit sans cesse : le 19 février 1943, il est nommé Obersturmführer. Ses notes sont excellentes, ses supérieurs ne tarissent pas d’éloges sur les stations de désinfection et de distribution d’eau qu’il a mises en place. Un SS exemplaire.
    D’autres, qui l’ont connu dans le service, le trouvent dur, autoritaire, brutal. Sous cette façade, l’angoisse le torture. Il a maintenant des cheveux blancs. Au cours d’une mission à Helsinki, on doit

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