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C’était le XXe siècle T.3. La guerre absolue

C’était le XXe siècle T.3. La guerre absolue

Titel: C’était le XXe siècle T.3. La guerre absolue Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Decaux
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dépose une carte-lettre destinée à son épouse demeurée à Bourg. Après quoi, d’un pas assuré, coiffé d’un béret basque et arborant à la boutonnière la rosette de la Légion d’honneur, il se dirige vers le métro Muette. Il a parfaitement calculé son temps : à 9 heures précises, il parvient à destination.
    Un homme s’avance alors vers lui et, à mi-voix, l’informe que Didot, au dernier moment, a jugé que le lieu du rendez-vous n’était pas sûr. L’homme propose au général de l’accompagner. Il le conduira à Didot. Sans manifester le moindre soupçon, le général le suit tout en avertissant l’envoyé de Didot qu’il a donné rendez-vous à 9 h 30 à deux de ses adjoints – Gastaldo et Théobald – au métro Pompe.
    Le général comprend son erreur – trop tard ! – quand l’homme le pousse dans la voiture qui attend près de là et claque sur lui la portière. Le conducteur n’est autre que notre vieille connaissance Moog. Le soi-disant envoyé de Didot est un autre Français, René Saumandre, rallié lui aussi aux Allemands. À 9 h 30, au métro Pompe, Gastaldo et Théobald seront arrêtés à leur tour et immédiatement conduits, avec Delestraint, au quartier général de la Gestapo, avenue Foch.
     
    Après leur arrestation en gare de Chalon-sur-Saône, Hardy et Cressol ont été, à l’aube du 8 juin, incarcérés à la prison de la ville. Il semble que, ni le 8 ni le 9, nul ne se soit intéressé à leur sort. Sans doute les policiers allemands ont-ils estimé qu’il s’agissait de menu fretin. Au cours de la journée du 9, on s’est contenté de procéder, pour l’un comme pour l’autre, à un interrogatoire d’identité.
    Dans l’après-midi du 10 juin, tout change. À la prison de Chalon, on s’agite beaucoup. Le Hauptsturmführer Klaus Barbie en personne, qui vient d’arriver, exige qu’on lui livre Hardy. Ce que naturellement nul ne met en question. C’est dans la propre voiture de Barbie que Hardy gagne Lyon. À peine sont-ils parvenus à l’École de santé militaire, avenue Berthelot, où est installé le quartier général de la Gestapo, que le Hauptsturmführer se met en devoir d’interroger personnellement le prisonnier.
    Étrange, cette intrusion de Barbie. Delestraint ne peut avoir parlé puisqu’il ignore l’identité de Didot. Moog ne connaît pas Hardy et Multon a dû se borner à signaler que le nommé René Hardy appartenait à la Résistance. Pourquoi Barbie, haut gradé de la Gestapo à Lyon, n’a-t-il pas délégué l’un de ses collaborateurs ? Pourquoi ne s’est-il pas borné à demander à la Feldgendarmerie de Chalon de le lui amener ? Selon Henri Noguères, auteur d’un travail exemplaire sur la Résistance, il y a là « un des mystères non encore élucidés d’une affaire qui en comporte bien d’autres  (92)  ».
     
    Peut-être ne l’a-t-il pas été parce que nul ne semble avoir rapproché cette énigme d’une autre. Hardy a toujours prétendu avoir ignoré le rendez-vous que lui proposait le général Delestraint : sachant la boîte Dumoulin grillée depuis le début de mai, il ne s’y serait jamais rendu. Selon lui, son voyage à Paris n’avait d’autre but que la rencontre d’un de ses camarades résistants, Jean-Guy Bernard. Ce dernier l’a d’ailleurs confirmé et a témoigné qu’il avait attendu en vain Hardy, le 9 juin, au heu fixé pour leur rendez-vous, avenue du Maine.
    On a admis cette explication. De même que l’on a cru que l’éventuel retournement de Hardy ne prenait effet qu’après son interrogatoire, à Lyon, par Klaus Barbie. Ce que je propose ici n’est rien de plus qu’une série de constats :
    1°) Dans le train de Paris, Hardy occupe le compartiment voisin de celui de Multon et Moog. S’il s’agit d’une coïncidence, elle est stupéfiante.
    2°) Hardy a menti quant à la date à laquelle il aurait su que la boîte Dumoulin était grillée. Multon n’a livré l’information à Moog que le 24 ou le 25 mai.
    3°) À la station Muette, René Saumandre aborde le général Delestraint en lui disant :
    — Je viens de la part de Didot.
    Or, en partant du message d’Aubry – c’est théoriquement tout ce que connaissent les Allemands –, pourquoi n’a-t-il pas dit Vidal plutôt que Didot ? En s’annonçant de la sorte, Saumandre court aussi le risque de voir le véritable Didot, qu’il est censé ne pas connaître, se manifester parmi les nombreux

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