C’était le XXe siècle T.4. De Staline à Kennedy
Klement. Pedro se trouve en face d’un jeune homme blond qui le regarde avec quelque suspicion mais n’en accepte pas moins le paquet. Insistant pour se faire donner l’adresse nouvelle des Klement, Pedro entend enfin le nom de Don Torcuato.
Quand Kenet reçoit ces informations, il consulte une carte et s’aperçoit que les villes de San Fernando et Don Torcuado sont éloignées d’environ dix kilomètres. Le mieux – et à vrai dire la seule solution – est de filer le jeune homme blond à la sortie de son travail. On le verra, le lundi suivant, enfourcher un scooter conduit par un homme d’une quarantaine d’années et rouler tout droit vers San Fernando : le peintre avait raison. Au centre de la localité, un convoi funèbre coupe tout à coup le chemin. On ne parvient pas à retrouver la piste.
Le 9 mars, on reprend la filature. À la même heure que la veille, 17 h 20. Cette fois, en sortant de l’atelier, le jeune homme blond prend l’autobus. Les Israéliens y montent aussi. Le jeune homme blond descend à la gare de Martinez. Ce n’est pas pour prendre le train ; il s’enfonce dans un petit chemin. Selon les instructions qui leur ont été données, les collaborateurs bénévoles de Kenet abandonnent la filature.
Elle reprend le 10 mars. Le jeune homme blond quitte l’atelier à 17 h 50, de nouveau à l’arrière d’un scooter. Cette fois Kenet est venu en personne. Il saute dans sa voiture, suit le scooter qui se dirige comme l’avant-veille vers San Fernando. Il traverse la localité pour prendre la route de Don Torcuato. Ainsi le peintre et le jeune homme blond avaient raison tous les deux ! Ils pouvaient à la fois parler de San Fernando et de Don Torcuato.
Le scooter s’arrête sur la route 202, à environ 150 mètres avant le pont du chemin de fer. Le jeune homme blond prend congé de son compagnon. Kenet a dû arrêter sa voiture pour ne pas attirer l’attention. Il voit, dans la nuit tombante, le jeune homme s’éloigner vers des masures disséminées au milieu de cette lande accablée de tristesse. Kenet se dit que cela ressemble vaguement à un camp de réfugiés. Impossible de continuer la filature sans risquer de se faire remarquer.
Kenet va simplement repérer un kiosque, sur la gauche de la route, où l’on vend sandwiches et boissons. À une centaine de mètres plus loin, se trouve une maison de briques qui paraît inachevée. Kenet n’y prête aucune attention.
Le 12 mars va se révéler une étape primordiale de la « chasse à Eichmann ». Sous le prétexte que la dame au briquet n’est pas contente et qu’elle n’est pas sûre que son cadeau soit vraiment parvenu à Nicolas Klement, Pedro est revenu trouver le jeune homme blond. Et cette fois, celui-ci se montre beaucoup plus expansif :
— Je vais te parler franchement. Quand tu m’as donné l’enveloppe, je l’ai ouverte et j’ai lu la lettre. Elle, disait « bon anniversaire » et comme c’était l’anniversaire de mon frère et non celui de mon père, j’ai donné le cadeau à mon frère.
— Oui, mais le nom…, hasarde Pedro.
— Nicolas Klement pouvait être aussi bien mon père que mon frère. La dame aurait dû être plus précise et il n’y aurait pas eu de problème. Pourquoi a-t-elle écrit Nicolas Klement et non Nicolas Eichmann ?
— Ça, je ne sais pas. Vous n’avez qu’à me donner l’adresse de votre frère (104) .
L’autre ne se fait pas prier. Il griffonne sur un bout de papier « 3030, avenida General Paz ».
Quand oh lui rapporte l’information, Kenet estime qu’il a franchi un pas considérable. En confirmant la date de l’anniversaire de Nicolas, le jeune homme blond – qui ne peut être que son frère Dieter – a dissipé tous les doutes que l’on pouvait ressentir. On sait maintenant que le fils aîné d’Eichmann, Nicolas, vit à Buenos Aires et se fait appeler de son vrai nom. Il semble définitivement prouvé que Ricardo Klement est Adolf Eichmann, mari de Vera Liebl.
Au cours de l’après-midi, dans l’état d’esprit que l’on imagine aisément, Kenet va partir pour San Fernando où il trouve sans trop de difficulté la maison dans laquelle vit la famille Klement : c’est la maison inachevée qu’il a aperçue le 10. Basse, d’aspect cubique, en briques non crépies, elle n’est pas reliée au réseau électrique. Dans un rayon de plusieurs centaines de mètres, à l’exception d’une autre petite masure et du
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