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C’était le XXe siècle T.4. De Staline à Kennedy

C’était le XXe siècle T.4. De Staline à Kennedy

Titel: C’était le XXe siècle T.4. De Staline à Kennedy Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Decaux
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kilomètres de profondeur, la police des frontières fait en sorte de rendre tout passage clandestin impossible « par l’installation de projecteurs camouflés et couverts, de barrières et d’installations techniques pour tours de guet, de grillages et obstacles de barbelés, de fils piégés, etc. ». La même directive ordonne d’effectuer les contrôles « de jour et de nuit sans avertissement préalable ».
    Il n’est plus désormais possible de passer de l’Est à l’Ouest ailleurs qu’à Berlin où la liberté de mouvement demeure garantie par les quatre puissances occupantes. Certes on voit des Vopos aux points de passage entre la zone soviétique et les zones occidentales ; parfois aussi des douaniers. Pratiquement ils n’exercent qu’un contrôle symbolique. Tout Allemand de l’Est, arrivé à Berlin-Est, peut librement se rendre dans un des secteurs occidentaux et, de là, gagner n’importe quel point de la République fédérale. C’est donc par Berlin que se poursuit l’hémorragie.
     
    Juillet 1955. Les quatre Grands se réunissent à Genève pour tenter de résoudre le problème de Berlin. Résultat totalement négatif. En 1958 puis en 1959, Nikita Khrouchtchev, nouveau maître de l’Union soviétique, propose de faire de Berlin-Ouest une « ville libre » démilitarisée. Comme la proposition implique la remise à la RDA du contrôle de tous les accès, les Alliés refusent.
    En 1961, l’exode prend les proportions d’un raz de marée. À Marienfelde, au sud du secteur américain, on doit affecter vingt-cinq immeubles de trois étages à l’accueil des réfugiés. Au cours des premières semaines de 1961, on atteint la limite de la saturation : on doit ouvrir vingt-neuf autres camps provisoires. Les équipes chargées d’interroger les nouveaux arrivants car des espions peuvent s’infiltrer parmi eux – se voient débordées. Sur les lignes aériennes de Berlin-Ouest vers la RFA, on passe de treize à vingt et un vols quotidiens  (111) .
    À l’aéroport de Hanovre-Langehagen, une journaliste du Frankfurter Rundschau interroge un jeune serrurier qui vient d’atterrir. Elle lui demande pourquoi il a quitté l’Allemagne de l’Est. Il répond que, là-bas, on meurt presque de faim.
    — Quand même, observe-t-elle, vous paraissez mieux nourris et mieux vêtus qu’il y a cinq ou six ans.
    — C’est vrai, répond-il. Ça s’est un peu amélioré ces dernières années, je vous l’accorde. Mais celle-ci a été un vrai désastre. On n’a même plus de pommes de terre. Et on ne veut rien importer, même si la récolte a été complètement ratée.
    La journaliste demande au serrurier si c’est à cause des bas salaires qu’il a décidé de tout quitter. Il secoue la tête.
    — Non. Cinq cents marks, après tout, ce n’est pas si mal. Mais s’ils bouclent Berlin, on se retrouvera pris au piège. Alors, ils pourront faire de nous ce qui leur plaira.
     
    Le 3 juin 1961, Nikita Khrouchtchev et John Kennedy, tout récemment élu à la présidence des États-Unis, se rencontrent pour la première fois à Vienne. Contraste absolu entre le bel Américain, quarante-quatre ans, rayonnant de sympathie et le Soviétique presque septuagénaire, certes bien plus ouvert que Staline mais petit, ventripotent et chauve. D’emblée, le Soviétique attaque. Kennedy, venu là avec un désir affirmé de conciliation, découvre le « personnage » Khrouchtchev, tel que l’a si bien vu le journaliste américain Curtis Cate : « Très chatouilleux sur le chapitre de sa dignité et de celle de l’Union soviétique, mais carrément inaccessible aux sentiments des autres… capable de passer de l’extrême cordialité à la colère et à la semi-hostilité avec une facilité déconcertante. » Cate, avec humour, voit en lui « un curieux mélange, une étrange combinaison de Pierre le Grand et de Lord Beaverbrook  (112)  ». Khrouchtchev commence par stigmatiser un scandale : seize ans après la fin de la guerre, la paix n’est pas encore signée avec l’Allemagne. Avec sa mine des mauvais jours, il menace : puisque les États-Unis ne semblent pas disposés à signer un tel traité, l’Union soviétique agira seule ! La paix séparée avec la RDA sera bientôt un fait accompli ! On fera de Berlin-Est une « ville libre » ! C’en sera fini de l’occupation militaire ! Il faudra négocier de nouveaux droits de passage à travers le territoire de l’État

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