C’était le XXe siècle T.4. De Staline à Kennedy
Descendus de camions venus se ranger en retrait de la porte de Brandebourg, d’autres soldats apportent des barbelés. Certains s’avancent jusqu’à la ligne de démarcation et mettent rapidement en place des mitrailleuses qu’ils pointent en direction de l’Ouest.
Sorti du poste de garde occidental, le chef de patrouille Schmulda reste bouchée bée devant ce déploiement. De nouveaux soldats est-allemands surgissent à chaque instant. Des chevaux de frise sont maintenant disposés sur deux lignes, perpendiculairement aux deux extrémités de la porte de Brandebourg. De nouveaux camions ont pris la place des premiers. On en descend des poteaux de béton qui vont servir d’appui aux fils de fer barbelés (113) .
Le spectacle auquel, abasourdis, viennent d’assister Schmulda, Schulze et Schröder se déroule identiquement – à la même heure, à la même minute – sur les 162 kilomètres de la frontière qui entoure Berlin-Ouest.
À 7 heures du matin, un agent de la CIA qui, sans se douter de rien, a passé à Berlin-Est le début de la nuit auprès de sa petite amie et qui a été alerté par le fracas des tanks et des camions, regagne Berlin-Ouest sans que les Vopos aient songé à l’arrêter. À toute allure, il fonce vers le quartier général de la Chayallee :
— Partout, rapporte-t-il, j’ai vu la même chose : armée populaire, police frontalière et routière, milices ouvrières, toutes ces troupes étaient accompagnées de chars d’assaut et d’engins de reconnaissance.
Il précise qu’il a observé des chars à l’Alexander-platz ; vingt-trois camions militaires et des policiers populaires à la Pariserplatz et à la porte de Brandebourg ; quinze engins de reconnaissance devant l’ambassade soviétique ; huit chars entre le croisement Warschauer et la Muhlenstrasse ; six engins de reconnaissance Dönhoffplatz ; tout le long de la frontière du secteur, des voitures blindées.
Question logique du chef de la CIA à Berlin :
— Avez-vous vu aussi des Russes ?
— Seulement une Jeep avec deux officiers soviétiques, mais aucune troupe, aucun char russe (114) .
Dimanche matin. À la Kommandantur alliée, autour de la même table, les trois généraux commandant les secteurs occidentaux sont réunis. Il y a là l’Américain Watson II, le Français Lacomme et le Britannique Rohan Delacombe. De leur examen de la situation et avec une simplicité toute militaire, les trois hauts gradés concluent : « Il y a toujours treize passages ouverts et, pour l’instant, il y est procédé au contrôle du trafic en provenance de Berlin-Est vers Belin-Ouest. Tout cela concerne la police allemande. » Par voie de conséquence, ils n’ont pas à intervenir.
Le premier rapport à destination du gouvernement des États-Unis quitte Bonn à 11 heures du matin, soit 5 heures à Washington. Dans la capitale fédérale, le département d’État est naturellement désert. Il faudra plusieurs heures pour établir, à partir d’informations contradictoires, un rapport cohérent. À 11 heures, le secrétaire d’État Dean Rusk appelle John Kennedy qui se repose dans sa villégiature de Hyannis Port. Rusk assure le président que les intérêts des États-Unis ne seront en aucune façon lésés par la fermeture de la frontière à Berlin. Rassuré, John Kennedy s’embarque à bord de son yacht Marlin .
À Bonn, le gouvernement fédéral semble désireux de minimiser la situation. Adenauer se borne à cette déclaration : « En commun avec nos alliés, les contre-mesures nécessaires doivent être prises. Le gouvernement fédéral demande à tous les Allemands de garder confiance. »
Willy Brandt, bourgmestre socialiste de Berlin-Ouest, roule en wagon-lit à travers l’Allemagne fédérale où se poursuit le marathon de sa campagne électorale. À 5 h 17, l’express Munich-Kiel s’arrête en gare de Hanovre. On vient prévenir Brandt que Berlin-Ouest est désormais coupé de l’Est ; il faut rentrer. On détache les deux voitures spéciales du train, on les range sur une voie de garage. Brandt et son escorte sautent dans des taxis qui roulent à toute allure vers l’aéroport. Ils s’envolent pour Berlin. À peine arrivé, le bourgmestre se rue à Dahlem, à la Kommandantur où les trois généraux délibèrent toujours. Très agité, il leur demande ce qu’ils comptent faire. Au nom de ses collègues, Albert Watson II répond :
— Nos capitales
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