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C’était le XXe siècle T.4. De Staline à Kennedy

C’était le XXe siècle T.4. De Staline à Kennedy

Titel: C’était le XXe siècle T.4. De Staline à Kennedy Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Decaux
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respectives ont été informées. Nos gouvernements prendront la décision qui s’impose.
    Voilà qui ne peut satisfaire Brandt. Avec véhémence, il propose que les Alliés envoient des patrouilles le long de la frontière du secteur soviétique. Au moins, cela réconfortera les Berlinois ! Froidement, on lui rétorque que c’est impossible. Les commandants occidentaux ont seulement prévu de déposer une protestation auprès du commandant soviétique, le colonel Solovyov.
    Brandt a beau plaider, il n’obtient rien de plus. En prenant congé, il s’écrie que si telle est la position des commandants occidentaux, « alors l’Est tout entier, de Pankow  (115) à Vladivostok, va se tordre de rire » !
     
    La nuit tombe sur Berlin sans que rien n’ait été entrepris, ni même envisagé. En apparence, l’Occident accepte le coup de force. Des milliers de Berlinois au désespoir se rassemblent, à la limite des secteurs, devant ce rempart qui, pour n’être encore composé que de barbelés et de chevaux de frise, ressemble déjà à un mur.
    La nuit s’avance et ces gens ne se résignent pas à bouger. Devant la porte de Brandebourg, de jeunes Berlinois scandent : « Berlin toujours libre, toujours libre, toujours libre ! » Ou bien ils reprennent un autre slogan, sans cesse répété : «  Budapest ! Budapest ! Budapest !  »
    À la même heure, Willy Brandt, recru de fatigue, gémit :
    — Kennedy nous a laissés choir.
     
    Comme l’ont annoncé les généraux occidentaux en poste à Berlin, les protestations alliées ne vont pas manquer. Kennedy prend finalement la décision d’envoyer à Berlin le vice-président Johnson. Flanqué du général Clay, l’homme du pont aérien de 1948. Quinze cents GI’s de renfort rejoignent la garnison américaine à Berlin. Des gestes qui ne trompent même pas les Berlinois. Aucun doute : l’Ouest s’incline devant le fait accompli  (116) .
    Comment Khrouchtchev ne serait-il pas tenté de profiter d’une telle dérobade ? Les barbelés ne lui suffisent plus, il ordonne que l’on édifie un barrage beaucoup plus solide et durable, le Mur . Malgré tous les risques encourus, des Allemands de l’Est désobéissants vont jouer, chaque jour et chaque nuit, leur va-tout. Cela commence dès le 13 août. Un jeune photographe français, Patrick Habans, de Paris Match , arrivé à Berlin peu avant 13 heures et se précipitant pour photographier les barbelés posés dans la nuit, va être témoin de la première évasion. Pour consulter un plan de la ville, il a arrêté sa voiture devant un long et haut grillage tout nouvellement posé. Soudain, il aperçoit de l’autre côté – à l’Est – un jeune homme qui embrasse passionnément une jeune fille. De sa vie, Habans n’a observé un baiser aussi long. Cela dure, dure ! Au bout d’un long moment, le photographe ébahi s’aperçoit que le jeune homme, à l’aide d’une paire de tenailles, est en train de cisailler les mailles du grillage ! Réflexe immédiat : Habans se saisit de son appareil et prend aussitôt deux photos. De l’autre côté du grillage s’agglutinent des milliers de personnes. Soudain le jeune homme lâche la jeune fille : le plus long baiser du monde a pris fin. Il siffle joyeusement : le grillage s’est abattu, une large brèche est ouverte. Le jeune homme et la jeune fille s’y engouffrent. Les voilà à l’Ouest ! De la foule se détachent cinquante à soixante personnes qui s’élancent à leur suite. Les autres se contentent d’applaudir. Le jeune homme les appelle, les implore : venez, rejoignez-moi ! Ils ne se décident pas. Bientôt, les Vopos accourront, remplaceront le grillage et disperseront la foule.
    Au vrai, parmi les Berlinois de l’Est, certains croient encore que la frontière sera bientôt ouverte de nouveau. Même ceux qui n’en sont pas convaincus ont du mal à se résoudre à un choix aussi difficile. On ne quitte pas aisément sa famille, sa maison, ses amis, son travail, son passé. Ceux qui le feront seront des gens moralement à bout de force. Leur audace se révélera celle du désespoir.
     
    Certains immeubles de Berlin-Est donnent directement sur Berlin-Ouest. Impossible d’élever un mur qui empiéterait sur le secteur occidental. Pendant plusieurs jours, par le rez-de-chaussée d’immeubles de la Bernauerstrasse, s’échapperont des centaines de Berlinois. Jusqu’au moment où les Vopos mureront ce rez-de-chaussée.

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