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C’était le XXe siècle T.4. De Staline à Kennedy

C’était le XXe siècle T.4. De Staline à Kennedy

Titel: C’était le XXe siècle T.4. De Staline à Kennedy Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Decaux
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terme à ces persécutions. Dans l’aura d’une éclatante victoire, les Russes ont cru pouvoir oublier le cauchemar. Erreur. Staline a de nouveau creusé son sillon sanglant. Chaque détenteur d’une partie du pouvoir s’est trouvé menacé à l’instant même où il venait d’être désigné. Un peuple entier a vécu dans la terreur. Cependant, sur la carte du monde, Staline étendait la domination communiste jusqu’au Pacifique et avalait la moitié de l’Europe. Le monde tremblait devant lui mais finissait par s’émerveiller devant la légende de ce petit paysan géorgien né dans la misère et parvenu jusqu’au zénith de la puissance. En France, pour son soixantième anniversaire, Paul Éluard lui dédiait un véritable chant d’amour. Parmi les amis politiques du poète, il faudra que passe une génération pour convenir que ces vers étaient exécrables :
     
    Grâce à lui nous vivons sans connaître d’automne
    L’horizon de Staline est toujours renaissant
    … Car la vie et les hommes ont élu Staline
    Pour figurer sur terre leur espoir sans bornes
     
    On attend beaucoup du XIX e Congrès. On a annoncé que les rôles principaux seraient tenus par Malenkov et Khrouchtchev. Dès la première séance, les observateurs comprennent que Staline entend que ce congrès n’admette qu’une seule vedette : lui-même. L’ambiance a été soigneusement préparée. Le grand homme vient de faire paraître son dernier chef-d’œuvre, un système d’économie politique déclaré inédit : en fait, une interprétation stalinienne du Capital . Comment, dans ces conditions, le Congrès aurait-il pu programmer autre chose qu’une glose admirative de ce texte ? Les interventions attendues de Malenkov se voient reléguées au niveau d’une plate banalité. Khrouchtchev se contente de présenter le rapport sur les statuts du Parti : le Politburo, composé jusque-là de douze membres titulaires, est remplacé par un Praesidium du Comité central formé de vingt-cinq titulaires et onze temporaires. Aux observateurs étrangers, il apparaît évident qu’un groupe aussi nombreux ne pourra jouer aucun rôle effectif dans le gouvernement. Le secrétariat du Parti devient une sorte de nouveau Politburo consultatif. Naguère, Malenkov assurait la direction quotidienne de ce petit noyau « extrêmement cohérent ». Désormais il fera place, sous la seule direction de Staline, à un corps de dix membres. Certes, Malenkov et Khrouchtchev en feront partie – ce dernier comme deuxième secrétaire – mais chacun se demande déjà comment tous ces responsables pourront s’entendre et gouverner efficacement. Cette hypertrophie délibérée n’a d’autre raison que d’augmenter encore les pouvoirs illimités du vieux dictateur. Harrisson E. Salisbury, correspondant du New York Times à Moscou, va constater que « finalement, le résultat le plus probant du Congrès a été de donner l’impression que quelqu’un s’amusait délibérément à brouiller les cartes de telle manière que lui seul pouvait savoir lequel devait émerger au sommet. Ce quelqu’un c’était Staline. Mais pourquoi cette mystification et contre qui ? »
    Quelques semaines seulement se sont écoulées depuis la clôture du Congrès quand surviennent trois événements « étranges, difficiles à expliquer immédiatement, mais qui portent déjà en eux-mêmes la préfiguration de l’avenir  (9)  ».
    Pour célébrer l’anniversaire des journées de novembre 1917, on expose à Moscou, comme chaque année, les portraits des chefs de gouvernement. À cette occasion, les étrangers conviés ont l’habitude de considérer comme « un baromètre de la faveur des personnalités en vue » l’ordre qui préside à cette présentation. Depuis longtemps, Beria occupait le quatrième rang, derrière Staline, Molotov et Malenkov. Durant cet hiver de 1952, Beria se trouve soudain relégué en sixième position. Les maréchaux Vorochilov et Boulganine passent tout à coup devant le chef de la police secrète. Pourquoi ?
    Le second événement n’apparaît pas moins curieux. La presse annonce que trois hommes, à Kiev, capitale de l’Ukraine, ont été fusillés et plusieurs autres condamnés à de longues peines de prison pour « destruction antirévolutionnaire ». Bientôt l’on apprendra qu’il s’agit d’agents exécutifs, intégrés dans la chaîne du commerce de gros et de détail, qui se sont livrés au marché noir. Les

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