C’était le XXe siècle T.4. De Staline à Kennedy
continuateur inspiré de la volonté de Lénine, du chef et de l’éducateur du parti communiste et du peuple soviétique Joseph Vissarionovitch Staline a cessé de battre.
« La mort du camarade Staline constitue une perte immense pour les travailleurs du pays soviétique et du monde entier. La nouvelle de sa mort retentira douloureusement dans les cœurs des ouvriers, des kolkhoziens et de tous les travailleurs de notre patrie, dans les cœurs des soldats de notre vaillante armée et de la marine de guerre, dans les cœurs des milliers de travailleurs de tous les pays du monde. »
C’est pour s’inscrire dans la continuité d’un symbole que les dirigeants de l’Union soviétique, simulant un désespoir de circonstance, affolés par une réalité qui les libère mais fait peser sur eux d’effrayantes responsabilités, ont situé au Kremlin – lieu traditionnel du pouvoir – le lieu de la mort de Staline. Or il n’y réside plus depuis près de vingt ans. C’est près de Kountsevo, au sud-ouest de la capitale, dans sa datcha, qu’il vit le plus souvent. C’est là, dans sa soixante-quatorzième année, qu’il est mort.
Cinq mois plus tôt, le 5 octobre 1952, à 7 heures du soir, c’est précisément au Kremlin que le XIX e Congrès du Parti Communiste Bolchevik s’est ouvert. Quinze cents participants. Le 14 octobre au soir, Staline monte à la tribune. Dans l’instant, tous les participants se dressent et l’acclament. Un délire proche de l’hystérie. Des cris mille fois répétés de « Guide génial », de « Cher Staline bien-aimé ». Son image, partout multipliée à travers l’URSS, le présente « grand et majestueux (6) ». Ainsi le montre-t-on sur les tableaux et même au cinéma. Le peintre Guerassimov – au comble de sa gloire officielle – est allé jusqu’à le camper dominant les tours du Kremlin et, au-delà, les plus hauts gratte-ciel de Moscou. Pour ceux qui participent pour la première fois à un congrès et qui ne l’ont jamais vu, la surprise se révèle totale : il n’est pas grand, pas davantage majestueux. Le maître espion Pavel Soudoplatov l’a vu à la même époque et n’a pas caché sa stupéfaction devant ce vieil homme fatigué : « Il avait beaucoup changé. Il avait perdu beaucoup de cheveux et, bien qu’il eût toujours parlé avec calme et lenteur, il s’exprimait dorénavant avec difficulté et de longues pauses entrecoupaient ses phrases. Son apparence confirmait les rumeurs selon lesquelles il avait subi deux attaques, la première à la suite de la Conférence de Yalta et l’autre après son soixantième anniversaire, en 1950 (7) . »
Trapu, lourd dans son uniforme sans insigne, il attend la fin des acclamations. Il ressemble à ce qu’il a toujours été : un paysan géorgien au visage marqué par la coexistence d’une grosse moustache familière et d’un regard rusé. Peu à peu le silence s’établit. Quinze cents communistes se rassoient. Le vieux Joseph peut saluer les partis frères et faire acclamer leurs dirigeants, les « guides des peuples », français, italiens, allemands, chinois, coréens, hongrois (8) .
Qui, dans cette assistance, oserait, même dans le secret de la mémoire, évoquer le jugement que l’on prête à Lénine : « Staline, c’est Gengis Khan qui aurait lu Le Capital de Karl Marx » ? Qui oserait davantage se souvenir que Lénine n’a pas souhaité qu’il fut son successeur ? « Staline est trop brutal, a-t-il dit, ce défaut devient intolérable au poste de secrétaire général… Je propose aux camarades de trouver un moyen de le démettre de ses fonctions et d’y nommer un autre homme plus loyal, plus poli et plus attentif envers les camarades…» Lénine n’a pas été entendu. Cependant que mourait le fondateur, Staline a dominé le XIII e Congrès. Dès lors, il n’a poursuivi qu’un but : régner sans partage sur les républiques soviétiques. Seul. Les prisons se sont remplies, les camps de Sibérie se sont peuplés jusqu’à l’invraisemblable, les pelotons d’exécution ont fonctionné sans interruption. Devant des tribunaux composés de séides obéissants, des communistes de toujours ont avoué des crimes imaginaires. L’Ukraine s’est vidée de ses paysans affamés mis à mort ou, au mieux, déportés. L’armée a été décapitée de ses officiers, souvent héros de la guerre civile.
Il a fallu l’agression hitlérienne pour que Staline mît un
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