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C’était le XXe siècle T.4. De Staline à Kennedy

C’était le XXe siècle T.4. De Staline à Kennedy

Titel: C’était le XXe siècle T.4. De Staline à Kennedy Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Decaux
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condamnations ont été prononcées par un tribunal spécial militaire, ce qu’interdit le Code de justice criminelle soviétique. Plus étonnant encore : la procédure a été retirée à Beria, chef de la police. L’étonnement grandit quand on découvre que les victimes, dépendant d’organisations dirigées par Mikoyan, membre du Politburo, jouissaient d’un « crédit certain » au sein de l’organisme placé sous la direction de Khrouchtchev, autre membre du Politburo. Enfin, pour la plupart, les condamnés sont juifs.
    Le troisième événement exceptionnel ne va pas se faire attendre longtemps.
    Le 21 décembre 1952, une grosse ZIS  (10) noire freine devant la haute barrière verte qui marque l’entrée de la datcha de Staline. De part et d’autre s’élève un mur géant doublé de barbelés électrifiés. Dans le parc, nul ne pourrait se faufiler sans être aperçu de gardes caucasiens armés de mitraillettes. Leur chef se penche, reconnaît Svetlana, la fille de Staline : beau et doux visage cerné de cheveux châtain foncé. Elle vient rendre visite à son père pour ses soixante-treize ans. Aussitôt la barrière s’ouvre. La voiture noire creuse un double sillon dans la neige du parc.
    Le père et la fille se voient peu. Pendant une longue période, ils ont même été brouillés. Quand, à seize ans, elle s’est avoué amoureuse d’un cinéaste juif, il s’est montré horrifié et, brutalement, a coupé court à l’idylle. Quand, plus tard, elle a épousé Grigori Morozov, autre Juif, il s’est obstinément refusé à recevoir son gendre. Il n’a accueilli – avec réticence – sa fille qu’après son divorce. Depuis il ne la rencontre que de loin en loin et moins encore ses petits-enfants dont certains ne l’ont jamais approché.
    Cette datcha cachée parmi les arbres, l’architecte Miron Ivanovitch Merjanov l’a construite en 1934. À l’origine, c’était, au milieu d’un bois et des fleurs d’un jardin, une maison moderne, légère, dotée d’un seul étage et, dira Svetlana, « surmontée sur toute la largeur du toit d’un immense solarium où j’aimais me promener et courir  (11)  ». Plus tard, Staline l’a plusieurs fois, sur ses propres plans, fait reconstruire. On profitait de ses séjours en Géorgie ou en Crimée pour remanier la demeure : « Tantôt l’exposition au soleil était insuffisante, tantôt il fallait une terrasse ombragée ; s’il n’y avait qu’un étage, on en construisait un second, et s’il y en avait deux, on en supprimait un…», racontera Svetlana dont les souvenirs sur cette demeure ne s’évanouiront jamais.
    Assise dans la voiture qui glisse vers la maison, comment les souvenirs des temps heureux ne lui reviendraient-ils pas ? La pendaison de crémaillère, en particulier : « la soirée avait été gaie et bruyante. » Tous ses oncles et tantes étaient flanqués de leurs enfants qui couraient et criaient partout sans que Joseph Staline s’en offusquât : « Il aimait cette agitation. » Il y avait là aussi le grand-père et la grand-mère maternelle de Svetlana qui, après la mort mystérieuse de leur fille – on avait parlé de suicide –, ne s’étaient pas détournés de leur gendre : « Au contraire, pleins d’attention pour lui, ils cherchaient à le distraire et à le divertir. Quant à lui, il était très cordial avec tout le monde. »
    La voiture ralentit et les souvenirs de Svetlana se fixent sur une image obsédante : « Mais déjà, quelque part dans un coin de la pièce, brillait le lorgnon de Lavrenti Beria, alors si calme et si discret…» Toute la famille le haïssait, éprouvant une « aversion unanime et confuse pour cet homme ». Staline le défendait : « C’est mon camarade, c’est un bon tchékiste, il nous a aidés à prévenir un soulèvement de Mingreliens en Géorgie, j’ai confiance en lui. »
    Quand, après la Seconde Guerre mondiale, Staline s’est installé de façon presque permanente à Kountsevo, il a choisi d’habiter au rez-de chaussée, dans une seule pièce à vivre. Il y dort sur un divan près duquel, sur un guéridon, voisinent les téléphones avec lesquels il peut, à tout instant, communiquer avec ses collaborateurs. Sur une grande table s’entasse une montagne de papiers, de journaux et de livres. Quand il est seul, il faut en dégager une extrémité pour lui servir son repas.
    Le seul luxe de la pièce est un grand tapis moelleux et une

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