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C’était le XXe siècle T.4. De Staline à Kennedy

C’était le XXe siècle T.4. De Staline à Kennedy

Titel: C’était le XXe siècle T.4. De Staline à Kennedy Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Decaux
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Khrouchtchev, tout devient clair : Staline tente de faire comprendre à ses fidèles qu’il est réduit à la même impuissance que cet agneau. Ne le nourrit-on pas de la même façon ?
     
    Il replonge dans l’inconscience. L’agonie commence, terrifiante, insupportable. Il étouffe. Svetlana se souvient : « À la dernière minute – en fut-il ainsi en réalité, je ne m’en souviens pas, mais c’est ce que je crus – il ouvrit les yeux et enveloppa toute l’assistance du regard, un regard insensé, furieux, rempli d’effroi devant la mort et devant les visages inconnus des médecins qui se penchaient vers lui. Ce regard fit le tour de l’assemblée en une fraction de minute et alors, dans un geste effrayant que je ne comprends pas encore aujourd’hui mais que je ne puis oublier, il leva la main gauche en l’air, la seule qu’il pouvait encore bouger. Désignait-il par là quelque chose là-haut, ou bien nous menaçait-il tous ? On ne savait à qui ni à quoi s’adressait ce geste incompréhensible mais menaçant. Aussitôt après, dans un ultime sursaut, l’âme quitta le corps  (21) .
    « Je crus moi-même perdre le souffle, je m’agrippai au corps de ma voisine, la jeune femme médecin que je connaissais ; elle gémit de douleur, et nous restâmes accrochées l’une et l’autre. »
    Tout autour, un cercle s’est formé, atterré, silencieux. Svetlana s’accroche toujours à la femme médecin. Toute l’assistance reste figée pendant plusieurs minutes. Interminables.
    Le premier, Beria coupe court à ce recueillement. Il hurle :
    — Vite ! Ma voiture !
     
    Les obsèques de Joseph Vissarionovitch Staline furent celles d’un dieu. Quand on décida de le déposer aux côtés de Lénine, dans le mausolée de la place Rouge, offert à la vénération des millions de sujets qui lui survivaient, il n’échappa à personne qu’il fallait requérir les services d’un embaumeur. Nul n’hésita : il fallait faire appel à Zbarsky, le plus habile de toutes les Russies, l’homme qui avait déjà embaumé Lénine. Alors seulement on s’avisa que Zbarsky avait été jeté dans un camp de concentration. Par Staline. On le tira de ce camp.
    Et Zbarsky embauma Staline  (22) .

III

Nasser gagne à Suez
    26 juillet 1956
    Les derniers rayons de soleil flamboient sur cette mer où se dressait jadis le phare de Ptolémée. Tout au long du jour, une chaleur lourde et moite a pesé sur Alexandrie. Pour la foule qui, le 26 juillet 1956, a envahi la place Mohammed-Ali et campe devant la Bourse des cotons, l’approche de la nuit signifie l’espoir d’un peu de fraîcheur. Combien sont-ils ? Demain, la presse parlera de 250 000. Elle exagérera à peine.
    Au sommet des mâts plantés autour de l’esplanade, des aigles déploient leurs ailes. Partout des drapeaux : ceux de l’Égypte nouvelle.
    Ce qui frappe, c’est autant le calme de cette foule que sa patience. Des rangs serrés s’élève une rumeur légère mais rien de plus, comme si ce peuple avait choisi de contenir son enthousiasme jusqu’à l’arrivée de l’homme idolâtré : Gamal Abdel Nasser. Le Raïs. Celui qui a chassé le roi Farouk de son trône et, plus tard, évincé le général Néguib, homme de paille de l’armée, quand il s’est pris pour un pharaon. Ce Nasser qui, sorti du peuple, a résolu, dès son entrée à l’École militaire, de consacrer sa vie à la cause de l’indépendance de son pays et, au-delà des frontières de l’Égypte, a entrevu une tâche grandiose : l’unification du monde arabe.
    Des ovations venues des lointains précèdent le grand homme. La foule de la place Mohammed-Ali s’agite. L’ovation s’approche, se gonfle, gagne l’esplanade et littéralement soulève hommes, femmes, enfants. Quand Gamal Abdel Nasser surgit au balcon de la Bourse, le même cri, la même fièvre déferlent vers lui.
    Il dépasse largement la taille moyenne des Egyptiens : 1,80 m. Depuis son accession au pouvoir, il a grossi. Le colonel de trente-quatre ans qui, en 1952, détrônait Farouk était mince, sec et l’on ne voyait de lui que son long nez en bec d’aigle, les sourcils noirs en broussaille, le regard sombre et ardent. Les épaules se sont arrondies sans toutefois que la carrure en souffre. Sa démarche s’est comme ralentie, apaisée. On dirait même que, du fait des joues plus pleines, le fameux nez a adouci son agressivité.
    Volontiers, on voit maintenant en lui un « dictateur

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