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C’était le XXe siècle T.4. De Staline à Kennedy

C’était le XXe siècle T.4. De Staline à Kennedy

Titel: C’était le XXe siècle T.4. De Staline à Kennedy Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Decaux
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nues, austères, avec la même table, le même lit ». Puis, une grande pièce, une garde-robes, avec des dizaines d’uniformes, « austères aussi et quasiment identiques ». Ahuri, il considérait le système de sonnerie, l’inextricable réseau des boutons d’appel. Tout était fait pour dépister l’attentat. « Il y avait un horaire minutieusement établi pour les sonneries de Staline ; si trois minutes s’écoulaient sans que retentisse la sonnerie prévue, on devait enfoncer la porte. »
    Les portes étaient commandées de l’intérieur. Dans l’aile occupée par Staline, toutes les fenêtres, toutes les portes étaient blindées. Pour y parvenir, il fallait traverser une antichambre sans fenêtres où se tenaient en permanence, de jour comme de nuit, cinq Causasiens armés. Quatre fois par jour, à heure fixe, le chef des gardes était appelé par Staline au téléphone intérieur.
    C’est ce même chef des gardes qui invite Khrouchtchev et ses compagnons à entrer dans un bureau du rez-de-chaussée. Il affiche un visage préoccupé. Il explique :
    — Le camarade Staline appelle presque toujours à 23 heures pour demander du thé ou quelque chose à manger. Cette nuit, il ne l’a pas fait…
    Assailli de questions, l’officier raconte que l’on a d’abord envoyé Matryona Petrovna, la vieille servante qui sert Staline depuis des années, voir ce qui se passait.
    — Elle est revenue épouvantée pour nous annoncer qu’elle avait trouvé Staline en train de dormir sur le parquet de la grande chambre où il couchait d’habitude. Apparemment, il était tombé de son lit.
    — Et qu’avez-vous fait ?
    — Nous l’avons relevé et allongé sur un canapé de la pièce voisine.
    Extrême, l’embarras des quatre compères. Doivent-ils attendre le réveil de Staline et, par leur présence, manifester qu’ils ont été au courant d’un incident humiliant probablement dû à l’âge ? Ils n’hésitent guère et décident de rentrer chacun chez soi. Plus tard dans la nuit du 1 er au 2 mars, Malenkov rappelle tout le monde.
    — Les gars ont de nouveau téléphoné de chez le camarade Staline. Ils déclarent que quelque chose ne va vraiment pas. Ils ont envoyé Matryona Petrovna voir de nouveau comment cela allait. Elle est revenue leur dire que Staline dort d’un sommeil lourd et qui présente quelque chose d’anormal. Il vaut mieux y retourner.
    Cette fois, il est convenu que Malenkov alertera les deux autres membres du Politburo, Kaganovitch et Vorochilov. On décide aussi d’appeler le corps médical et plus précisément le professeur Loukomsky. Les membres du Politburo et les médecins arrivent en même temps à la datcha. Ils entrent ensemble dans la pièce où l’on a transporté Staline.
    Balayant les versions parfois mélodramatiques qu’il avait répandues auprès de certains confidents, Khrouchtchev écrit dans ses Souvenirs : « Nous entrâmes dans la chambre où Staline dormait sur le canapé. Nous demandâmes aux médecins d’examiner Staline. Le professeur Loukomsky s’approcha de lui avec infiniment de prudence. Je savais ce qu’il pensait. Tremblant nerveusement, il toucha la main de Staline comme s’il s’agissait d’un fer brûlant. Beria aboya, grossier : “Tu es médecin, non ? Alors vas-y, prends-lui la main correctement !” » Loukomsky se ressaisit, ausculte le patient. Il est formel :
    — Le bras droit ne remue plus, la jambe est paralysée. Apparemment il ne peut plus parler. Il est dans un état extrêmement grave.
    On le déshabille et, pour qu’il ait plus d’air, on le ramène dans la grande chambre. Là se trouve le divan sur lequel il dort habituellement. On l’y installe.
     
    Dans la matinée du lundi 2 mars, Svetlana suit un cours de français à l’Académie. Elle sursaute quand une personne s’approche d’elle et, à voix basse pour ne pas troubler le cours, lui annonce que Malenkov lui demande de se rendre à Blijniaia. Elle dira qu’à ce moment précis elle a ressenti l’impression que toute son existence allait être remise en question : Blijniaia est le véritable nom de la datcha et très peu de personnes s’en servent pour désigner la résidence de Kountsevo  (18) . Presque seul son père l’appelle ainsi.
    C’est dans un état second qu’elle parvient jusqu’à la datcha paternelle. Nikita Khrouchtchev et Nikola Boulganine l’accueillent. En les voyant, elle n’éprouve plus aucun doute : quelque

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