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C’était le XXe siècle T.4. De Staline à Kennedy

C’était le XXe siècle T.4. De Staline à Kennedy

Titel: C’était le XXe siècle T.4. De Staline à Kennedy Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Decaux
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chose de grave est arrivé à son père. Les deux hommes la prennent par le bras. Leur visage est baigné de larmes :
    — Beria et Malenkov te raconteront tout.
    Elle écoute leur récit dans une sorte de brouillard en se répétant sans interruption : « Il va mourir. » Quand elle entre dans la chambre où repose son père, il lui semble assister – elle l’écrira – « à un ballet effrayant ». Des médecins appliquent des sangsues sur le cou de Staline, d’autres refont une fois de plus un électrocardiogramme, d’autres prennent des radios de ses poumons, une infirmière lui fait piqûre après piqûre : « Chacun accomplissait sans défaillance sa tâche et luttait pour sauver une vie que nul ne pouvait déjà plus sauver  (19) . »
     
    Beria, fidèle à lui-même, tient à faire face à l’événement en l’organisant. Les membres du bureau du Praesidium devront assumer une veille de vingt-quatre heures sur vingt-quatre à son chevet : Malenkov et Beria ensemble, Kaganovitch et Vorochilov ensemble, Boulganine et Khrouchtchev ensemble. Amèrement, Khrouchtchev constatera : « Ils s’étaient réservé celles de jour et nous laissaient celles de nuit à Boulganine et à moi. » Comment s’est-il laissé faire ? « J’étais complètement bouleversé, je le reconnais ; j’avais beaucoup de peine en voyant que nous perdions Staline. » Cette veille va se prolonger le 2, le 3, le 4 et le 5 mars.
    Sans cesse on interroge les médecins. Ils répondent que, si Staline s’en sort, il ne pourra plus jamais travailler mais que, très probablement, l’issue sera fatale. Svetlana ne quitte pas le chevet de son père : « Je ne pouvais ni manger ni pleurer. Un calme et un chagrin de pierre étouffaient mon cœur. » Ce qui peut-être l’aide à ne pas sombrer, c’est le comportement insensé de Beria. Khrouchtchev s’en montre autant scandalisé qu’elle-même : « Beria commença à rôder autour, crachant sa haine contre lui, le couvrant de sarcasmes. L’entendre était absolument insupportable. Mais ce n’était pas le plus beau. Dès que, sur les traits de Staline, apparaissaient les signes d’un renouveau de conscience laissant penser qu’il surmonterait son mal, aussitôt Beria se jetait à genoux à son chevet, s’emparait de sa main et la couvrait de baisers. Cependant, à peine Staline sombrait-il de nouveau dans l’inconscience ou fermait-il les yeux, alors Beria se relevait et crachait. C’était cela, le vrai Beria ; il faisait croire qu’il admirait Staline, qu’il l’idolâtrait même, et pourtant, là, maintenant, il lui crachait dessus ! »
    Horrifiée, Svetlana lisait de son côté sur le visage « déjà hideux » du sinistre personnage les passions qui l’agitaient : « l’ambition, le pouvoir, le pouvoir, le pouvoir, la cruauté, la malice ». Parfois, en effet, Staline ouvre les yeux, mais comment savoir s’il est ou non conscient ? Beria plonge alors son regard « dans ses yeux embrumés ». Comme il l’a toujours fait, il veut convaincre son maître dont il dépend encore qu’il demeure « le plus fidèle et le plus dévoué », attendant le moment où la vie quittera ce corps, pour bondir hors de la pièce afin d’arriver le premier à Moscou.
     
    Svetlana regarde son père se débattre dans une fin « effroyable et difficile ». Jamais elle n’a vu mourir personne et le premier mort de sa vie est donc son père. Est-ce un souhait qu’elle formule, est-ce un constat ? « Dieu donne une mort douce aux justes. » De fait, il est clair que l’hémorragie cérébrale s’étend. La respiration s’accélère. Au cours des dernières vingt-quatre heures, il est évident que l’anoxémie augmente : « Le visage s’assombrissait, se gonflait, ses traits devenaient peu à peu méconnaissables, les lèvres devenaient noires et, pendant la dernière ou les deux dernières heures, le malade suffoquait tout simplement. »
    Une fois, une seule fois selon Khrouchtchev, il paraît reprendre nettement conscience. Il tente de faire jouer les muscles de sa face. Une infirmière lui fait absorber un peu de thé avec une cuiller. Soudain, ceux qui l’entourent lui voient soulever sa main gauche et amorcer un geste pour désigner quelque chose sur le mur. On y a accroché, découpée dans le magazine Ogoniok, la reproduction d’un tableau anonyme représentant une petite fille nourrissant à la cuiller un agnelet  (20) .
    Pour

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