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C’était le XXe siècle T.4. De Staline à Kennedy

C’était le XXe siècle T.4. De Staline à Kennedy

Titel: C’était le XXe siècle T.4. De Staline à Kennedy Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Decaux
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Kountsevo s’en étonnent pareillement.
    Ce même dimanche, Svetlana appelle son père au téléphone. Elle ne peut le joindre. Seule lui répond la voix de l’officier de permanence :
    — Il n’y a pas mouvement.
    De cette phrase, elle connaît parfaitement le sens : son père s’est retiré dans l’une des petites chambres, au fond de la datcha, où il est interdit de le déranger.
    La nuit est tombée depuis longtemps quand, Staline n’appelant décidément pas, Khrouchtchev se décide à se mettre à table. Le repas s’achève et toujours pas de coup de téléphone : « Il était déjà très tard lorsque je me déshabillai et me couchai. »
    La sonnerie le réveille en sursaut. Staline, enfin ! Khrouchtchev décroche. C’est Malenkov :
    — Ecoute, les gars de la tchéka viennent d’appeler de la datcha de Staline. Ils pensent que quelque chose lui est arrivé. Nous ferions mieux d’y aller. J’ai déjà prévenu Beria et Boulganine. Pars tout de suite, cela vaudra mieux.
    Tirée de son sommeil, l’épouse de Khrouchtchev le regarde. Une paysanne comme lui, au visage ridé, avec des cheveux raides qui n’ont jamais connu les coiffures modernes. Pas plus que son mari, Nina Petrovna ne songe à discuter. Khrouchtchev a repris l’appareil pour commander à son chauffeur de faire tourner le moteur de la voiture. Il commence à s’habiller : « Ma femme m’aida à me vêtir, racontera-t-il à Averell Harriman, l’ancien ambassadeur des États-Unis à Moscou, collaborateur intime de Roosevelt ; elle insista pour que je mette deux gilets de corps ; lorsque j’eus passé ma pelisse, enfoncé la chapka par-dessus mes oreilles, vérifié si je n’oubliais pas mes gants, elle alla chercher elle-même le carafon de vodka et en remplit un grand verre que je bus d’un coup. Elle insista pour que j’en prenne un autre.
    « — Par cette nuit à ne pas mettre un chien dehors, tu en auras besoin.
    « Je l’embrassai sans répondre. Chaque fois que j’étais convoqué par Staline, nous savions, elle et moi, qu’il était possible, très possible que je ne revienne jamais. »
    La neige et le verglas rendent la route presque impraticable. Il faut toute l’adresse du chauffeur de la ZIS pour éviter un accident. De chaque côté de la route, les phares de la voiture cernent des sous-bois, des pins, des bouleaux écrasés par la neige. Il ne faut cependant qu’un quart d’heure au chauffeur, familier de l’itinéraire, pour se retrouver à Kountsevo.
     
    Spectacle familier : le haut mur, les barbelés électrifiés, les projecteurs qui éclairent le parc. Devant la voiture se lève la barrière verte. En l’espace de cinq minutes, quatre ZIS se rangent devant la datcha. Chacun descend de sa voiture. Brandissant leurs mitraillettes, les gardes caucasiens les escortent jusqu’à l’intérieur du bâtiment. Staline les a choisis un à un et ils n’obéissent qu’à lui. Leur chef s’approche des arrivants et, l’un après l’autre, les fouillent. Même Beria.
    « — Oui, expliquera Khrouchtchev, Staline était persuadé que l’un de nous aurait pu cacher une arme. Mais si nous avions tout à craindre de sa manie de la persécution, il en était devenu, dans les dernières années de sa vie, la première victime. Notre Staline, le compagnon que nous avions connu brave jusqu’à la témérité, dont nous avions admiré les dons exceptionnels, apprécié les vues justes et profondes, qui avait préservé le Parti des schismes et des aventuriers, qui avait sauvé l’URSS par ses plans quinquennaux et qui avait, au moins par la foi que le peuple russe lui portait, gagné la guerre, s’était peu à peu replié sur lui-même, ne faisant plus confiance à personne. La hantise de l’assassinat qui avait commencé chez lui à la mort tragique de Kirov, son chef spirituel, avait-elle fini par le rendre fou, ainsi que sa fille Svetlana me l’a écrit, je n’en sais rien : je ne suis pas psychiatre. Mais le fait est qu’il en était arrivé à vivre dans une solitude quasi absolue, prisonnier de sa propre peur…»
    Emmanuel d’Astier n’a pas eu tort de voir, dans ce récit, une histoire extraordinaire à la façon d’Edgar Poe. Lui-même a recueilli les confidences d’un spécialiste des musées, amené pour la première fois dans l’une des demeures que Staline possédait aux abords de Moscou. Il allait de pièce en pièce. Il voyait huit chambres identiques, « également

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