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C’était le XXe siècle T.4. De Staline à Kennedy

C’était le XXe siècle T.4. De Staline à Kennedy

Titel: C’était le XXe siècle T.4. De Staline à Kennedy Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Decaux
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reprend :
    — Le temps où les puissances étrangères croyaient pouvoir plier l’Égypte à leur volonté est révolu. Le monde arabe est fort. Sa seule faiblesse est de n’avoir pas suffisamment conscience de sa force… Écoutez bien ce que je vous dis : le canal est égyptien. Il restera égyptien, quoi qu’il advienne !
    De nouveau il rit, Nasser, il rit ! La foule rit avec lui. Elle rit aux larmes. Elle rit à en perdre haleine !
    En quelques heures, l’écho de ce rire va retentir dans toutes les capitales du monde. À Londres et à Paris, on parlera de rire hystérique. L’un des meilleurs connaisseurs du monde arabe, Jacques Benoist-Méchin, en présentera une analyse toute différente : « L’hystérie comporte toujours une part d’inconscience. Ce rire est un défi. C’est le défi le plus insolent que l’Orient ait jamais lancé à l’Occident. »
     
    En France, l’affaire est devenue l’événement majeur de l’été 1956. Les journaux et la radio ne parlent que de la nationalisation. On raconte le retour au Caire de Nasser : les bureaux, les usines fermées pour que chacun puisse accueillir le Raïs comme il convient, on décrit les 400 000 personnes accourues sur son passage, on fait entendre les cris mille fois répétés :
    — Sois le bienvenu, Gamal ! Le peuple te protège de son sang ! Vive l’URSS ! Vive la Chine populaire !
    Les opposants de l’avant-veille, les irréductibles de la veille, les anciens Wafdistes comme les Frères musulmans, tous se rallient. L’Égypte entière fait corps avec Nasser. Le succès d’une idée est devenu le triomphe d’un homme.
    On apprend qu’à l’heure même où, à Alexandrie, Nasser annonçait la nationalisation, les forces de l’armée égyptienne ont investi le siège de la Compagnie au Caire, les bureaux d’Ismaïlia, de Port-Tewfik et de Suez. Le directeur administratif, M. Menessier, invité ce soir-là du gouverneur d’Ismaïlia, a appris la nationalisation par la radio de son hôte. Nous n’aimions pas beaucoup lire des choses de ce genre dans nos journaux.
    Nous aussi avions appris dès l’enfance le nom de Ferdinand de Lesseps. Dans nos livres de classe, l’affaire du percement du canal était contée comme l’une de ces réalisations françaises dont nous pouvions être fiers. Ce que l’histoire n’a pas démenti  (24) . Pour joindre la Méditerranée à la mer Rouge, les pharaons avaient déjà creusé un canal mais, en l’an 767 de notre ère, un calife, qui voulait priver d’eau la ville de Médine révoltée, l’avait comblé. Les savants conviés par Bonaparte à le suivre en Égypte avaient conçu le projet d’en ouvrir un nouveau mais la brièveté de l’occupation française ne le leur avait pas permis. Nous savions que Ferdinand de Lesseps, nommé en 1831 vice-consul à Alexandrie, y avait retrouvé les traces de ce projet. Réduit à l’inaction par une disgrâce politique, aidé par les travaux des saint-simoniens apôtres de la religion industrielle, il avait établi un dossier convaincant sur l’éventualité d’un percement de l’isthme de Suez par un canal. Conforté par l’accession au trône, en 1854, de Mohammed Saïd, fils de ce Mohammed Ali avec qui il avait noué d’étroites relations lors de son premier séjour, il était reparti pour l’Égypte. L’accueil de Mohammed Saïd s’était révélé inespéré. Le résultat ? Un firman (édit) du 30 novembre 1854 : « Notre ami, Ferdinand de Lesseps, ayant attiré notre attention sur les avantages qui résulteraient pour l’Égypte de la jonction de la mer Méditerranée et de la mer Rouge par une voie navigable pour les grands navires et nous ayant fait connaître la possibilité de constituer à cet effet une compagnie fermée de capitalistes de toutes les nations, nous avons accueilli les combinaisons qu’il nous a soumises et lui avons donné, par ces présentes, pouvoir exclusif de constituer et de diriger une compagnie universelle pour le percement de l’isthme de Suez et l’exploitation d’un canal entre les deux mers. »
    Cousin de la comtesse de Montijo, mère de l’impératrice Eugénie, Lesseps pouvait espérer un appui des Tuileries, lequel ne manqua pas en effet. Les Français souscrivirent en vingt-cinq jours – du 5 au 30 novembre 1858 – 400 000 actions de 500 francs-or. Palmerston s’amusa publiquement des souscriptions décrites par lui comme une « association de petites gens et de

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