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C’était le XXe siècle T.4. De Staline à Kennedy

C’était le XXe siècle T.4. De Staline à Kennedy

Titel: C’était le XXe siècle T.4. De Staline à Kennedy Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Decaux
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un destroyer égyptien. Touché, le navire s’est rendu… aux Israéliens, selon le souhait des Français qui, à cette heure, ne sont pas encore entrés officiellement en guerre avec l’Égypte. Pendant quelque temps, d’ailleurs, on a tremblé dans le camp français. Comme de nombreux navires américains de la VI e Flotte patrouillaient dans la région, on s’est demandé si l’on n’avait pas tiré sur l’un de ces navires-là ! D’où ce télégramme assez cocasse envoyé à Paris :
    «  Avons désemparé navire de guerre égyptien – stop – mais ne sommes pas tout à fait sûrs qu’il soit égyptien – stop – si méprise, pas attaque délibérée notre part contre un navire égaré de la VI e Flotte   (36) . »
    Le plan arrêté à Sèvres fonctionne à merveille. L’heure est venue d’adresser le double ultimatum aux Égyptiens… comme aux Israéliens. Bien entendu, on en envoie une copie à Washington.
    À cette heure précise, Nasser comprend tout. Il est bien tard. Sur le conseil du général Amer – dont les Israéliens ont été à deux doigts d’intercepter l’avion comme l’ont fait, le 22 octobre, les Français pour l’avion de Ben Bella –, le Raïs ordonne le retrait des troupes du Sinaï. Il faut que tous ces hommes et ce matériel aient rejoint le plus vite possible la zone du canal où, sans nul doute, Français et Britanniques vont attaquer bientôt. Cette retraite va se muer en véritable course de vitesse.
     
    À Washington, on a compris aussi vite qu’au Caire. Eisenhower est furieux. Il déclare :
    — Ces gens-là m’ont donné un coup de poing en pleine figure !
    Foster Dulles ne dissimule pas sa colère. La délégation des États-Unis ne perd pas une minute pour déposer devant le Conseil de sécurité un projet de résolution invitant Israël à se retirer, non pas à seize kilomètres du canal, mais au-delà de la ligne de démarcation fixée par l’armistice de 1948. La même résolution interdit aux pays membres de l’ONU d’employer la force dans cette affaire. Pour éviter une immédiate condamnation, Paris et Londres vont être forcés d’user de leur droit de veto. Les délégués français et britanniques se sentent désormais bien seuls.
    D’autant plus qu’à Londres, les travaillistes attaquent. À la Chambre des communes, leur leader, Hugh Gaitskell, prononce contre le gouvernement de Sir Anthony Eden une véritable philippique. Selon lui, il s’agit d’une agression caractérisée dont la honte revient, hélas, au gouvernement de la Grande-Bretagne. Celui-ci a trompé le Parlement, il a trompé le pays. Il doit céder la place. Sur les bancs travaillistes – pas seulement sur ces bancs-là – on hurle : démission ! démission ! Il faut interrompre la séance. Sir Anthony vient, lui aussi, de prendre conscience de sa solitude.
    Alors, Eden hésite, Eden tergiverse. Il espère que le gouvernement Nasser tombera de lui-même. Il fait déverser sur Le Caire un million de tracts appelant le peuple égyptien à la révolte. Et on attend. Naturellement, rien ne se passe, car les Égyptiens se veulent littéralement soudés autour du Raïs. On perd une semaine.
    À Paris, on enrage. Car, psychologiquement, cette semaine-là était la meilleure pour attaquer. C’est que l’Europe de l’Est bouge. À Varsovie d’abord, à Budapest ensuite, il semble que tout vacille.
    L’important, aux yeux de Guy Mollet et de son gouvernement, c’est que les Soviétiques sont littéralement empêtrés dans cette affaire hongroise. Il semble bien improbable que Khrouchtchev ait le loisir – et le désir – de se préoccuper d’une intervention à Suez.
    Donc, il faut aller vite. C’est le leitmotiv employé par les ministres français quand, chaque jour – et plusieurs fois par jour –, ils appellent au téléphone leurs collègues britanniques. Non seulement il faut gagner Khrouchtchev de vitesse mais aussi l’ONU où les séances se déroulent dans une incroyable confusion. On a adopté une proposition du Canada tendant à envoyer sur le canal de Suez une force armée internationale. C’est le Conseil de sécurité qui, le 5 novembre, doit fixer les modalités de cette intervention.
    Ce soir-là, quand le Conseil se réunit, le délégué soviétique, M. Sobolev, demande la parole. Foster Dulles est entré le matin même en clinique pour se faire opérer d’un cancer. Cabot Lodge le remplace. Avec une certaine méfiance, il voit son

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