C’était le XXe siècle T.4. De Staline à Kennedy
affaire, en entier (55) . »
Le dialogue qui s’est engagé entre la tour de contrôle de Maison-Blanche et le DC3 est saisissant :
Alger : « Venez vous poser à Alger. »
Le DC3 : « Au nom de qui parlez-vous ? »
Alger : « Au nom du gouvernement français. »
Le DC3 : « Demandons précisions. »
Alger : « Au nom du gouvernement français, ordre de M. Lacoste, ministre de l’Algérie. »
Le DC3 : « Nous appartenons à une compagnie étrangère. Ces ordres ne nous concernent pas. »
Alger : « Il nous faut les fellouzes (56) . »
À 18 heures, l’avion informe le contrôle marocain qu’il quitte la fréquence graphie et qu’il a également reçu d’Alger le message suivant : « Atterrissez – Stop – Vous êtes couvert par le ministre-résidant – Fin. »
Le capitaine Chambaud appelle son supérieur à Rabat, lui faisant part de l’initiative prise par le chef des télécommunications qui, pour se protéger, a adressé un message au directeur, de la compagnie Air Atlas-Air-Maroc, « lui rendant compte que le chef de la liaison Air – lui, Chambaud – a bloqué les messages qui donnaient ordre à l’avion d’attendre les instructions ».
Dans le même temps, à Alger, on prend conscience que l’affaire est loin d’être gagnée. Car, à toutes les objurgations, le DC3 – pour le moment – ne répond pas. Ce silence, il le rompt à 19 heures. Il demande à Alger l’autorisation de retourner au Maroc. Réponse de Maison-Blanche : « Venez Alger… Ordre gouvernement atterrir Alger… Répétons : ordre donné, ordre donné…»
19 h 30 : pour la seconde fois, le DC3 sollicite l’autorisation de retourner au Maroc.
Alger : « Négatif pour le Maroc. Venez vous poser à Alger. Vous êtes couvert par le ministre. »
Le DC3 : « Et nos familles qui sont au Maroc ? »
Alger : « Nous nous en occupons immédiatement. Nous les mettrons en lieu sûr. »
Le DC3 : « Mais nous transportons aussi d’autres passagers et notamment des journalistes étrangers. »
Alger : « Ne vous inquiétez pas. »
Le DC3 : « Et si les rebelles sont armés ? »
Alger : « Assurez-vous-en ! »
Le DC3 : « Que ferons-nous s’ils se rendent compte que nous arrivons au-dessus d’Alger et s’ils mettent leurs armes dans le dos du pilote ? »
Alger : « La chasse décollera et vous pourrez ainsi arguer de la nécessité d’atterrir. »
Ici, je dois donner la parole à un autre de mes correspondants, M. René Roussel. Celui-ci était à l’époque en fonctions au Centre de contrôle régional d’Alger (aviation civile). Il m’écrit : « Dès que le contact radio a été possible, l’ordre d’atterrir à Maison-Blanche fut donné à l’équipage. Il s’en est suivi un dialogue interminable dû à l’hésitation du pilote. C’est moi qui ai suggéré que l’on rassure les membres de l’équipage sur le sort de leurs familles respectives vivant au Maroc. Il a donc été décidé de les mettre à l’abri sur-le-champ. En attendant, l’avion a exécuté une série de virages… Le ciel était clair, la lune haute et les passagers ne se sont pas rendu compte que l’avion ne volait pas en ligne droite ! Bref, dès que leurs femmes et enfants ont été mis à l’abri, les pilotes et copilotes ont accepté de se poser à Maison-Blanche (57) . »
En bas, sur la mer, la nuit tombe. Des navires écoutent, en direct, les messages passés en clair. Un avion d’Air France croise le DC3. Il s’en mêle :
« Bravo, les gars ! N’hésitez pas ! Allez-y ! Nous sommes de cœur avec vous. »
Dans le DC3, cette tempête sous un crâne n’a eu pour asile que la cabine de l’équipage. La porte hermétiquement fermée n’a laissé passer aucun son. Dans la cabine, on somnole. Soudain l’hôtesse sort du poste de pilotage. Un peu trop rouges, les joues de Mlle Lambert. Ben Bella, toujours en éveil, l’interroge sur le trajet de l’appareil. Evasive, elle répond :
— Il se peut que nous prenions une route plus directe.
— Comment plus directe ? Nous n’allons quand même pas survoler le territoire algérien ?
— Non. Mais nous pouvons prendre plus court.
L’état-major de l’armée de l’Air vient d’ordonner à l’ Ouragan et au Dassault 315 qui ont décollé : « Ordre de tirer sur moteur droit si avion cherche à fuir. »
Une lettre du 21 mars 1981 d’un correspondant
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