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C’était le XXe siècle T.4. De Staline à Kennedy

C’était le XXe siècle T.4. De Staline à Kennedy

Titel: C’était le XXe siècle T.4. De Staline à Kennedy Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Decaux
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l’emporte-pièce de Delbecque, Ribeaud lui a dit :
    — Si Chaban-Delmas prend la Défense, il faudra absolument que vous veniez lui expliquer ce qu’est la guerre en Algérie et ce qu’on peut faire là-bas. Il a besoin d’hommes de confiance.
    Et Chaban a « pris la Défense ». Et il a emprunté, à Eugène Motte, Delbecque dont il a fait un conseiller technique à son cabinet, Guy Ribeaud étant nommé attaché. Delbecque comprend aussitôt ce que l’on attend de lui : établir des liaisons avec l’Algérie et informer son ministre de l’état d’esprit réel de la population.
    A-t-il conscience que sa mission va probablement dépasser les tâches ponctuelles qui viennent de lui être confiées ? Probablement puisque, à la fin de 1957, il sollicite une audience du général de Gaulle.
    J’ai rencontré Léon Delbecque en 1983, alors que je préparais une émission sur le retour du général de Gaulle au pouvoir  (85) . Éloigné de la politique, il menait ses affaires personnelles aussi bien à Tourcoing qu’à Paris. Certes, il n’évoquait plus guère l’homme encore jeune, svelte, très brun de 1958. Sa silhouette s’était épaissie mais on le reconnaissait vite. Je m’enchantais à entendre cet accent si caractéristique qui était celui de mon enfance lilloise.
    Que me disait Léon Delbecque ? Qu’il avait retrouvé une Algérie « très inquiète » :
    — L’armée avait le sentiment que ce qu’elle gagnait sur le terrain, c’est à Paris qu’on le perdait. Les civils musulmans et européens voyaient le fossé s’élargir de plus en plus et j’avais la vague impression que nous allions vers un précipice… Je ne voyais pas la France sans l’Algérie, et je ne voyais pas non plus l’Algérie sans la France. Il fallait donc trouver quelqu’un et organiser quelque chose. Ce quelqu’un, j’avais l’intention de lui demander conseil, en tout cas de lui rapporter ce que je constatais autour de moi : c’était le général de Gaulle. Et j’ai eu un premier entretien fin décembre 1957 avec lui.
    Delbecque n’avait pas rencontré de Gaulle depuis la fin de 1956. À cette époque, il était venu lui rendre compte de l’expérience acquise en Algérie lorsqu’il y avait été mobilisé pour encadrer les jeunes Français eux-mêmes rappelés.
    Quand il arrive rue de Solférino, où le Général lui a fixé rendez-vous, l’ambiance n’est pas à l’optimisme. L’entourage du Général le lui dépeint comme étant « amer, sceptique et, apparemment, résigné ».
    — Bref, m’a dit Delbecque, on me demandait de regonfler le général de Gaulle.
    De cette visite, il n’oubliera rien. Il est entré dans le fameux petit bureau – sa laideur est évidente – où s’étaient succédé tant de fidèles et aussi d’infidèles. Une table-bureau sans style, à peu près nue. Des fauteuils de cuir – ou de plastique – du genre que l’on trouve dans les salons de bridge. Delbecque s’assoit. L’entretien commence mal. De Gaulle lance :
    — Alors, Delbecque, Chaban veut gagner la guerre ?
    Ce n’est pas du tout de Chaban que Delbecque est venu parler à de Gaulle. Il tente de lui brosser un tableau, le plus clair possible, de la France de 1957, de l’Algérie et de ses différentes composantes.
    — Je lui dis que les gaullistes sont absents ou presque de l’Algérie, que je tente de les regrouper, que j’essaye surtout d’intervenir auprès des différents interlocuteurs que je rencontre sur trois thèmes qui ont toujours été notre stratégie politique : il faut que l’Algérie s’associe à notre action métropolitaine, qu’elle s’identifie à la métropole, qu’elle n’ait pas seulement toujours en bouche : « Algérie française ». En fait, la France est l’homme malade de l’Europe. L’incapacité des gouvernements non pas à gouverner mais à se maintenir au pouvoir est désormais chronique. Il faut changer les institutions. C’est le premier thème que j’ai choisi, que je développe devant mes interlocuteurs, qu’ils soient européens, musulmans ou appartenant à l’armée. Le deuxième thème : il faut que nous ayons un régime présidentiel. Ce ne sont pas les partis qui changeront les institutions et, pour que les institutions puissent changer, il nous faut un homme. En Algérie, je prône le nom du général de Gaulle. Il faut que de Gaulle revienne au pouvoir. Le troisième thème découle des deux premiers. C’est la

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