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C’était le XXe siècle T.4. De Staline à Kennedy

C’était le XXe siècle T.4. De Staline à Kennedy

Titel: C’était le XXe siècle T.4. De Staline à Kennedy Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Decaux
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seule façon de garder l’Algérie dans la France.
    Un silence. Delbecque :
    — J’ai expliqué tout cela au Général.
    De Gaulle a écouté. Usant de l’infinie courtoisie qu’il mettait à accueillir quiconque mais, cette fois, y ajoutant une attention remarquable, il a répondu :
    — C’est bien, Delbecque, c’est bien, c’est du bon travail.
    Delbecque, qui connaît bien « son » de Gaulle, ressent l’impression que le Général ne veut pas trop le décevoir. Cependant l’homme du 18 juin lui demande quelques précisions sur les actions formelles qu’il entreprend. Car Delbecque n’est pas en Algérie seulement pour s’occuper de politique, il fait aussi la guerre. De Gaulle paraît intéressé. Il revient au sujet développé par son interlocuteur. D’un air désabusé, il lance :
    — L’armée, Delbecque, ah ! l’armée… Beaucoup d’officiers supérieurs ne pensent qu’à leur avancement. Sauf vos paras. Les civils, vous savez, de Gaulle, ils n’aiment pas et ce n’est pas d’hier. Les gaullistes en Algérie ? Mais c’est une infime minorité ! Et puis il y a la métropole. Hier, en métropole, on criait : « Poujade au pouvoir ! » Ne vous bercez pas de trop d’illusions, Delbecque. Voyez-vous, les politiciens ne feront pas appel à moi lorsque nous serons au bord du précipice mais quand nous serons dedans. Et, bien entendu, l’Algérie sera perdue depuis longtemps.
    De Gaulle se lève. L’entretien est terminé ? Non. Il prend Delbecque par un bras.
    — Bon courage, Delbecque. Restez en contact avec Jacques Foccart. Et puis, si effectivement des événements importants se produisaient, n’hésitez pas, venez me voir.
    Cette conversation, en 1983, Delbecque se la rappelait comme si elle s’était déroulée la veille. Employant le présent comme s’il voulait se replonger dans le climat de décembre 1957, il me l’a prouvé :
    — Je ne suis pas un aventurier, de Gaulle est un légaliste… Mais j’ai l’impression que les choses nous obligeront, l’un et l’autre, à aller plus loin si elles doivent se présenter comme je le pense.
    Après de Gaulle, Delbecque a voulu rencontrer le général Ely. Il lui a exposé un projet d’action psychologique qu’il souhaitait voir, là-bas, adopter par l’armée. Ce qui l’obsédait, c’est que l’on sortît – enfin – de l’immobilisme. Si l’affaire en était arrivée à ce point de pourrissement, c’est parce que trop de gens concernés avaient manqué d’imagination.
    Il s’est envolé pour Alger. En quelques heures, il y recueille la confirmation de ce qu’il soupçonnait depuis longtemps : Alger la Blanche grouille de conjurés.
     
    Il faut d’abord parler de Robert Martel. Il dirige l’UFNA (Union française nord-africaine) qui compte quinze mille adhérents. Martel est un chouan égaré en notre siècle. Il hait la IV e République.
    Un autre mouvement milite pour que l’Algérie reste à jamais française : l’ORAF (Organisation de la résistance de l’Algérie française), fondée par un étrange personnage, le docteur Kovacs, d’origine hongroise et fervent adepte de l’hypnotisme. Dans ses rangs, on trouve un poujadiste tel que Joseph Ortiz, propriétaire de la Brasserie du Forum, aussi bien qu’un monarchiste comme le docteur Bernard Lefèvre.
    Tout ce monde – Delbecque le sait déjà – s’agite, mais n’est pas gaulliste . Bien au contraire. Il ne faudra que quelques jours à Delbecque pour se persuader qu’un clash en Algérie n’est pas seulement probable, il est certain. S’il se produit, ce ne sera pas au profit de De Gaulle. Alors ?
    Ce que Delbecque ignorera longtemps, c’est que, peu de temps auparavant, le chouan Martel a reçu la visite d’un certain Pierre Joly, ancien communiste d’origine belge qui est passé – pourquoi pas ? – à l’activisme d’extrême droite. Sous la foi du serment, Joly a révélé à Martel l’existence, à Paris, d’une organisation secrète dont le but n’est autre que de s’emparer du pouvoir. Il s’agit du GRAND O, lequel est doté de deux chefs que nul ne connaît : le « grand A » et le « grand B ». Eux-mêmes doivent obéissance absolue au chef suprême : le « grand V ».
    La question posée à Martel est des plus directes : accepte-t-il de travailler en liaison avec le GRAND O ? Le chouan n’est pas contre, mais il entend s’informer. Martel est donc conduit à Paris où il découvre un

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