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C’était le XXe siècle T.4. De Staline à Kennedy

C’était le XXe siècle T.4. De Staline à Kennedy

Titel: C’était le XXe siècle T.4. De Staline à Kennedy Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Decaux
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parle d’un Diên Bien Phu diplomatique. Enchantés par un tel langage, les gaullistes décident de jouer la carte à fond. Ils supplient Lacoste de rester à Alger jusqu’à la constitution d’un gouvernement d’union nationale. Tenu au courant d’heure en heure, Delbecque juge l’instant propice pour regagner l’Algérie. À peine arrivé, il est conduit chez Lacoste par le patron de L’Écho d’Alger , Alain de Sérigny. Quand celui-ci annonce à Lacoste que Delbecque est là, la première réaction de l’ex-ministre-résidant ne se fait pas attendre. Écarlate, il hurle :
    — Je vais le faire arrêter !
    Mais Delbecque est déjà dans le bureau. Calme, déférent, il déclare qu’il parle au nom de De Gaulle, de Soustelle, de Debré. Il affirme que Lacoste ne doit pas quitter Alger. Le militant socialiste, devenu amoureux de l’Algérie, est tenté. Il médite, un instant. Puis il secoue la tête. Il n’a pas le droit de trahir son parti. D’autres délégations accourent qui le supplient de rester. Il ne revient pas sur sa décision. Il va partir. Presque clandestinement.
     
    Delbecque n’est pas au bout de ses émotions. Le jour même de son arrivée, Thomazo l’invite à déjeuner. À table, il trouve un convive imprévu, de haute taille, beau, rayonnant de sympathie. Avec une certaine emphase, Thomazo annonce à Delbecque : « Voilà l’homme que nous attendons ! » Et il nomme le prince Napoléon.
    Le 5 mai, l’héritier des Bonaparte a assisté, dans le chœur de la cathédrale, à la messe traditionnelle marquant l’anniversaire de la mort de l’Empereur. Des milliers d’Algérois ont pu admirer sa silhouette imposante. Pendant la Seconde Guerre mondiale, alors qu’il tentait de traverser les Pyrénées pour rejoindre la France libre, les Allemands l’ont arrêté et jeté en prison. Libéré sur l’intervention du roi d’Italie, son proche parent, il a gagné le maquis du Berry où il a été grièvement blessé, seul survivant d’un commando en pleine action. Le général de Gaulle a fait chevalier de la Légion d’honneur à titre militaire celui dans les veines de qui coule le sang du fondateur de l’Ordre.
    À la sortie de la messe impériale, Thomazo l’a abordé : « Monseigneur, il faut sauver l’Algérie. » Le prince ne se cache pas d’être très Algérie française. Veut-il prendre la tête du mouvement ? Il n’a pas répondu.
    Et, le 8 mai, désignant le prince Napoléon à Delbecque, Nez de cuir lance : « L’homme que nous attendons ! » Abasourdi, Delbecque. En son absence, s’est-on jeté dans une autre aventure ? L’affaire qu’il croyait si bien engagée a-t-elle si fortement dévié qu’il faut s’attendre au troisième coup d’État d’un Bonaparte ? D’une voix mal assurée, Delbecque s’adresse au prince :
    — Monseigneur, quel est l’homme que vous souhaiteriez voir au pouvoir ?
    — De Gaulle, naturellement !
    Jusqu’ici, Thomazo ne s’est jamais entièrement rallié au gaullisme. L’attitude sans ambiguïté de « Son » prince ne manque pas de l’ébranler. Si Nez de cuir ne sera jamais tout à fait gaulliste, il n’est plus antigaulliste. Cependant, dans la vérité de son cœur, ce qu’il attend, c’est une intervention du général Cherrière. Autrement dit : le « grand A ».
     
    Le 9 mai, le général Salan, en son nom propre comme en celui des généraux Jouhaud et Allard ainsi que de l’amiral Auboyneau, télégraphie au général Ely : « Je vous demande de bien vouloir appeler l’attention du président de la République sur notre angoisse que, seul, un gouvernement fermement décidé à maintenir notre drapeau en Algérie peut effacer. »
    On ne connaît pas beaucoup Salan en métropole. On sait qu’il a été l’adjoint de De Lattre en Indochine, qu’il a succédé à celui-ci après sa mort. Qu’il est l’auteur avec Ely d’un rapport sur l’impossibilité de gagner la guerre d’Indochine, lequel, publié par l’hebdomadaire L’Express , a provoqué sa disgrâce. En 1956, Guy Mollet l’a nommé à Alger. Ceux qui le rencontrent, sanglé dans son uniforme toujours impeccable même en pleine chaleur, l’allure imposante mais dédaigneuse, le masque impassible sous les cheveux blancs aux reflets bleutés, sont frappés par son aspect étrangement oriental. Ce n’est pas pour rien qu’on l’appelle : le Chinois. De Gaulle ? Salan ne l’a rencontré que deux fois. En

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