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C’était le XXe siècle T.4. De Staline à Kennedy

C’était le XXe siècle T.4. De Staline à Kennedy

Titel: C’était le XXe siècle T.4. De Staline à Kennedy Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Decaux
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haut-parleur sur le balcon, ce à quoi le lieutenant consent avec d’autant moins de difficulté qu’il est seul à détenir le secret de leur fonctionnement. Il juge Lagaillarde imprévisible : donc, le micro ne marche pas. Impossible à Lagaillarde de faire entendre le beau discours préparé mais qui restera mort-né !
    Lucien Neuwirth s’est souvenu : « Nous sommes arrivés au GG en même temps que Lagaillarde, avec tous ceux qui l’entouraient, qui avaient pris, eux, le GG d’assaut, ce qui veut dire les portes enfoncées par un camion et le reste… Vous savez, une foule en marche ne s’arrête pas. Et celle-là était une foule qui voulait gagner… Donc, nous nous sommes retrouvés au GG. Fort heureusement, je n’avais pas été très exactement identifié. J’étais en uniforme de parachutiste, donc un peu noyé dans la masse. »
    Le colonel Thomazo a pu passer, lui aussi. Et quelques autres, un adjudant notamment.
    À 19 h 30, survient le général Massu, furieux. Massu, c’est le baroudeur type. Sa vie peut s’écrire en quatre étapes : Koufra, en Libye où il prête le serment demandé par Leclerc de ne jamais cesser de combattre jusqu’à ce que les trois couleurs flottent sur la cathédrale de Strasbourg ; Strasbourg où il entre avec le même Leclerc ; l’expédition de Suez et le souvenir amer qu’elle lui a laissé ; la bataille d’Alger gagnée. Nul n’est plus aimé que lui dans cette ville et son physique cyra-nesque ajoute encore à sa popularité.
    Sa première réaction : enguirlander Lagaillarde dont il désigne du doigt l’uniforme de parachutiste :
    — Qu’est-ce que c’est, ce déguisement ?
    — Lieutenant de réserve Lagaillarde, mon général.
    — Mais vous êtes civil, c’est insensé !
    Il aperçoit Thomazo :
    — Vous saviez tout et vous n’avez rien dit ?
    — On ne voulait pas vous mouiller, mon général.
    Il avise deux capitaines de paras et, d’un geste ample, montre la foule immense devant le GG.
    — Virez-moi ce bordel !
    On préfère comprendre qu’il faut évacuer les civils du GG. Les paras s’y emploient.
     
    Salan, lui, n’arrive qu’à 19 h 45. Il a longuement piétiné devant la porte du souterrain fermée à clé par Neuwirth. Il a fallu un quart d’heure pour trouver une autre clé. Le général est hors de lui.
    Lucien Neuwirth se souvient :
    — Le problème, c’était de savoir qui allait entrer dans le Comité de Salut public. Alors on a inscrit des gens, d’abord nous-mêmes, bien entendu, et puis il fallait faire durer. Comme nous avions la maîtrise de la porte, on a laissé entrer les gens qui nous paraissaient être les plus sympathiques. Et je ne voyais toujours pas arriver Delbecque et nos amis ! Il y a eu un mot que je n’ai pas oublié. Un mot extraordinaire. Un jeune type s’est présenté. Il a dit : « Je m’inscris, je veux être au Comité de Salut public. » J’avoue m’être un peu agacé. Je lui ai dit : « Mais enfin, vous, qu’est-ce que vous êtes ? » Et ce garçon a eu un réflexe, un bon réflexe, il a répondu : « Je suis la foule. » C’était extraordinaire : « Je suis la foule. » Et c’est vrai, il était la foule puisqu’il était là.
    Installés à une table, Lagaillarde et Neuwirth ajoutent les noms aux noms. Chacun d’eux l’a plus tard reconnu : la liste que l’on dresse est totalement improvisée.
    Salan ne sait plus à quel saint se vouer. Pierre Pflimlin n’a pas encore obtenu son investiture. À l’Assemblée, la discussion dure toujours. Paris ou Byzance ? Conformément à la Constitution, tant qu’un nouveau gouvernement n’est pas désigné, l’ancien expédie les affaires courantes. Pierre Chaussade, un des hauts fonctionnaires du GG, suggère d’appeler Félix Gaillard à Paris. Salan juge l’idée excellente. Il obtient le président du Conseil démissionnaire au téléphone. D’abord atterré – on le conçoit – Gaillard trouve sans tarder une porte de sortie : il délègue les pouvoirs civils et militaires en Algérie au général Salan. En somme, il légalise l’émeute.
    Salan se rend sur le balcon pour annoncer la nouvelle. Hélas, le micro ne marche toujours pas : Neuwirth n’est pas sûr de Salan. On n’entend donc pas le général mais on le reconnaît. Aussitôt s’élève une gigantesque huée, suivie d’une bordée d’injures :
    — Bradeur ! Franc-mac ! Retourne en Indochine ! Fous le camp,

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