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Charly 9

Charly 9

Titel: Charly 9 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Teulé
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« Puis-je goûter au pâté ? »
    Les ligoteurs s’en délectent,
épaisses tranches après épaisses tranches. Ils vont bientôt finir toute la
terrine. Ils mangent avec les doigts, goulûment, caressant parfois leur ventre
et agaçant tellement l’appétit du monarque. Chaque bouchée qu’ils engloutissent
est une souffrance pour Charles IX qui n’en peut déjà plus et
s’écrie :
    — Donnez-moi du pâté car je
suis le roi de France !
    Les deux malandrins en laissent tomber
leurs bras :
    — Le roi de la
Saint-Barthélemy ?
    — Oh ça, surtout croyez que je
ne suis pas fier de cela qui n’est pas mon chef-d’œuvre. Je compte bien à
l’avenir prendre d’autres décisions qui seront meilleures pour les gens. J’ai
quelques idées mais là, je voudrais du pâté !
    Il n’en reste plus qu’une tranche
que l’un des jeunes protestants glisse dans la bouche de l’altesse :
    — Que n’avez-vous plus tôt
décliné votre identité, Sire ? On vous en aurait servi davantage, vous
pensez bien ! Quand on sait ce que vous faites aux huguenots récalcitrants
et à leurs familles !
    Puis aussi sec, ils s’enfuient car
on entend au loin la voix de Navarre appeler dans les fourrés :
    — Charly-y-y-y !… Charly
neu-eu-euf !
     
    Charles IX tourne en rond dans
le Louvre en sonnant du cor à s’en exploser les joues.
    — Ça s’est passé vers le
château du Hallier près de Nibelle, dit-il ensuite au capitaine Gondi assourdi.
Je veux qu’on fasse des recherches.
    — Pour retrouver les deux
jeunes bandits huguenots ?
    — Non, le charcutier qui a cuisiné
ce pâté de mauviettes.
     

 
15
    Sous le haut plafond d’une salle à
manger du palais décoré d’une Diane chasseresse, de satyres couchés et de
chiens courants, c’est très miraculeux ce passereau si joli qui sautille d’un
air attentif et poli derrière des barreaux.
    Charly 9, en trousse bouffante
moirée, ouvre la cage et s’empare de l’oiseau dont il brise le cou. Il en est
fini du pépiement de cet « hôte de nos bois ». Il se retrouve aligné
sur la table à côté d’autres, la tête sous une aile, ayant l’air de dormir.
    — Goûtez donc de ce pâté en
croûte auprès des mauviettes étalées, Ronsard, et me direz si ce n’est pas une
merveille comme vos poèmes, déclare le roi en ouvrant la porte d’une autre
cage.
    — Que faites-vous, Sire ?
s’inquiète, à quarante-huit ans, le bucolique poète de la Pléiade qui préfère
la salade.
    — Je casse des cous
d’alouettes.
    « Commeint ? »
demande de répéter, avec son accent vendômois, le quasi sourd Ronsard, paume
rabattant le pavillon d’une oreille vers le monarque qui élève la voix :
    — JE CASSE DES COUS
D’ALOUETTES ! Ça me calme et puis ça aide en cuisine car j’ai ordonné au
charcutier retrouvé que j’ai nommé maître pâtissier alouettier, fournisseur
officiel de la Couronne, qu’il serve dorénavant de sa succulente terrine à tous
les repas du Louvre.
    — Altesse, il va falloir en
attraper, chaque jour au filet, des petits oiseaux pour les trois mille membres
de la Cour ! Cette recette, parmi les volatiles d’Île-de-France, sera une
vraie Saint-Barthé…
    — Vous, qui êtes aussi mon
aumônier ordinaire, avez plutôt applaudi au massacre des huguenots. N’est-ce
pas, cher humaniste ?
    Le collègue tonsuré de Joachim du
Bellay arrondit à nouveau une paume autour de l’oreille :
    — Commeint ?
    — ÇA VOUS A PLU LA
SAINT-BARTHÉLEMY, HEIN, RONSARD !?
    — Oui.
    — Voulez-vous casser des cous
d’alouettes avec moi ?
    — Non merci. J’aime mieux
cueillir la boursette touffue, la pâquerette à la feuille menue, la pimprenelle
heureuse pour le sang, pour la rate, et pour le mal de flanc.
    La barbiche et les fines moustaches
du végétarien papiste frémissent lorsqu’il voit un nouveau passereau frétiller
des ailes entre les doigts du monarque qui avoue à son poète :
    — Je puis donner la mort, vous
l’éternité.
    Sa Majesté caresse d’une phalange le
plumet du crâne de la mauviette en lui récitant gentiment au bec :
     
    Quand vous serez bien vieille, au
soir à la chandelle,
    Assise auprès du feu, dévidant et
filant,
    Direz, chantant mes vers, en vous
émerveillant :
    « Ronsard me célébrait du temps
que j’étais belle. »
     
    Lors vous n’aurez servante oyant
telle nouvelle,
    Déjà sous le labeur à demi
sommeillant,
    Qui au bruit de Ronsard ne

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