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Charly 9

Charly 9

Titel: Charly 9 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Teulé
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les scènes les plus torrides de la
Saint-Barthélemy.
    Charles IX a l’air de trouver
que c’est d’un drôle de goût, l’idée de la fresque : « Je n’en
voudrais pas sur les murs de ma chambre, moi. Déjà que je dors mal… »,
dit-il en ouvrant son bocal pour y piocher une cerise qu’il porte à sa bouche
alors que le cardinal continue ses louanges : « Le nonce apostolique
vous fait savoir que l’événement du 24 août, aussi inattendu qu’utile à la
cause du catholicisme, non seulement le ravit d’admiration mais encore le met
au comble de l’allégresse. » Mâchant le bigarreau, le roi commente :
« Che chuis bien aise de che qu’il y a pris du plaichir… » Il
déglutit :
    — Orsini, vous savez que les
affaires de la France vont mal avec ces guerres de religion continuelles et
vous imaginez la peine qu’on aura maintenant pour emprunter de l’argent à des
pays comme l’Angleterre ou l’Allemagne. Nous avons demandé au pape un prêt de
cent mille écus, disons le prix du massacre. Quelle est sa réponse ?
    — Il vous offre dix mille
francs.
    Pop ! Le roi crache son noyau
au visage du cardinal :
    — Ce n’est pas beaucoup.
    Le prélat, ayant reçu le noyau au
front, en reste un temps bouche bée puis fait comme si rien ne s’était
passé :
    — Augmentez vos impôts, Sire.
Trayez les pis de la France. C’est une bonne vache.
    Pop ! Il reçoit un nouveau
noyau contre le nez mais prend sur lui :
    — Le pape pense qu’il ne vous
faut épargner d’aucune manière ni sous aucun prétexte les ennemis de Dieu et
que vous devriez…
    Un noyau de cerise arrive sur une
joue du porteur de félicitations de Sa Sainteté :
    — Qu’elle donne de l’argent et
non du conseil.
    Visage méthodiquement bombardé de
noyaux, le cardinal rappelle que :
    — Pendant la nuit de la
Saint-Barthélemy, chaque goutte de sang portait le nom de Dieu.
    Lui-même se retrouve la face toute
grêlée de petits points rouges alors que le roi trouve la réunion trop longue
et qu’il soupire en remarquant deux choses enveloppées aux pieds du cardinal
qui porte des bas de soie à la couleur du jour.
    — Qu’est-ce là ?
    — Majesté, puisqu’en France,
grâce à vous, les protestants épargnés se laissent dorénavant mener par troupeaux
aux églises et que les huguenotes effrayées courent aux cathédrales étreindre
la Vierge protectrice, le nonce apostolique a d’abord décidé de vous offrir
ceci, dit-il en se baissant pour ramasser une chose longue. C’est une épée
bénite !
    — Faites voir ce jouet, Orsini.
    L’altesse déplie l’emballage du
présent tendu et s’extasie :
    — Par les boyaux du pape !
Elle paraît aussi bonne qu’elle est riche.
    Il regarde briller la lame de
l’épée, la ploie, contemple la pointe et semble très satisfait :
    — En voilà une qui ne rouillera
pas dans son fourreau, ah, de par le vieux Dieu barbu des vieilles
bibles !
    Le cardinal préfère feindre de
n’avoir pas entendu les singulières expressions du monarque et tend le second
cadeau :
    — En souvenir de votre acte si
merveilleux, Grégoire XIII a fait frapper une médaille commémorative.
    Charles, après avoir craché un
nouveau noyau au menton du prélat, s’empare de la pièce comme un petit élève
recevant un bon point. Il la soupèse.
    — Elle est en métal doré !
s’enflamme Orsini, datée en haut : 1572.
    À gauche de la médaille, le roi s’y
voit représenté avec des ailes en ange exterminateur tenant dans une main une
croix verticale et frappant d’une épée horizontale, qu’il tient dans l’autre
main, des huguenots suppliants.

     
    L’ange s’épuise à combattre et
Charles s’endort à regarder la médaille et à entendre l’ecclésiastique
continuer de débiter ses sornettes. Las des compliments, Sa Majesté montre du
bout des doigts une porte de la salle du trône, annonce que l’audience est
terminée. Le porteur de félicitations du pape, au visage souillé de jus de
cerises, sort à reculons avec les révérences d’usage tandis que le roi
s’étire :
    — Bon, je vais retourner à la
chasse, moi, vers les forêts d’Orléans, foutre de Dieu !
     

 
14
    Quel vallon, quel bois sacré !
Une grenouille coasse entre des joncs où circule un frisson. Une libellule erre
parmi les roseaux. L’eau de la rivière saute à petits flots. Un tas d’oiseaux
pousse ses premiers cris dans les branches. Le bruit des choses

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