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Charly 9

Charly 9

Titel: Charly 9 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Teulé
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crasse de tout ce
Louvre qui ordonne sans mon sceau d’accabler le protestantisme aussi dans les
provinces.
    — La reine Catherine cherche
seulement à vous soulager d’un labeur de cabinet fatigant, justifie le
maréchal. Majesté déprimée, vous ne participez presque plus au gouvernement. Il
faudrait vous traîner aux séances du Conseil royal et…
    Le roi le coupe :
    — À tant, c’est assez parlé de
ce que je devrais faire. L’avis des autres pays ?
    — Le massacre de la
Saint-Barthélemy a stupéfié l’Europe, relate le vieux connétable. L’œuvre
sanglante dont vous avez pris l’initiative offense grandement les étrangers.
    — Ce sont des bougres de
naissance ! gueule Tavannes. Ça a dû tenir de lieux d’aisances en des
mondes antérieurs dont je me fous ! On devrait tous les tuer !
    — Reprenez connétable, soupire
le monarque, et n’omettez rien.
    — Ils accusent votre mère
d’être une putain qui a fait un lépreux. Ils disent qu’il n’est pas possible de
voir une écrevisse plus tordue et contrefaite que le roi de France. La reine
Élisabeth d’Angleterre a reçu notre ambassadeur en tenue de grand deuil. Elle
demande la punition du massacre et la réhabilitation des morts de la
Saint-Barthélemy. L’empereur Maximilien II en est fort malade d’une
colique venteuse et menace que l’Allemagne s’ébranle et vienne marcher sur les
grasses campagnes des fleurs de lys. Un émissaire des Provinces-Unies
actuellement à Paris refuse de vous rencontrer, convaincu qu’il ne gagnerait
que honte et malheur à toucher votre main sanglante.
    — Pff… souffle Charles. Me
voilà donc bien seul sous leurs regards.
    — En revanche, si les
puissances protestantes sont scandalisées, l’Espagne catholique applaudit,
contrebalance Tavannes. Philippe II en apprenant la nouvelle fut pris d’un
fou rire et a dit n’avoir jamais ressenti un contentement pareil. Il a
ajouté : « Béni le fils qui a une telle mère, bénie la mère qui a un
tel fils ! » À propos de gens fort satisfaits par la Saint-Barthélemy,
Sire, le pape a envoyé le cardinal Orsini qui vous attend déjà avec gourmandise
dans la salle du trône.
    — Qu’il patiente pendant que je
prends mon potage, déclare Charles en tirant sur un cordon.
    La porte de la chambre s’ouvre. Deux
pages adolescents, portant une soupière sur un plateau, arrivent. L’huissier, à
l’entrée, tire leur bonnet pour qu’ils se présentent décoiffés devant le roi.
Il soulève aussi le couvercle d’argent de la soupière et annonce :
    — Bouillon de pot-au-feu bien
cuit et bien consommé !
    Le monarque observe la surface du
liquide fumant un peu :
    — Là aussi, c’est plein d’yeux
écarquillés de reproches qui me regardent !… Je n’en veux point. Il faudra
mieux l’écumer la prochaine fois. Qu’on me serve plutôt des confitures.
    — Votre confiseur royal était
protestant, Sire…
    — Raah ! se désole le roi.
Et des cerises au sirop, en reste-t-il ?
    — Le temps d’aller les quérir
et on vous les apporte en salle du trône, Majesté.
    Lourdaud et à pas de vache,
Charles IX s’en va à ses obligations royales. Droit au diable, il passe à
travers des pièces qui s’ouvrent les unes sur les autres dans ce palais
austère.
     

 
13
    — Comment va la messe, cardinal
Orsini ?
    — Mieux que le prêche, Majesté,
et c’est heureux.
    Orsini s’agenouille devant le jeune
roi tueur assis sur son trône dont il baise les deux genoux mais seulement une
main puisque l’autre tient un bocal fermé empli de cerises au sirop. Le
monarque lui commande de se relever. Le prélat debout fait encore une profonde
révérence. Il porte à sa ceinture un chapelet dont les grains sont gros comme
des œufs de poule et paraît fort content d’annoncer :
    — Le pape répand sur votre
couronne toutes ses bénédictions et m’envoie pour vous féliciter. Vous êtes à
ses yeux le plus parfait des rois. Aucun autre avant vous ne sut massacrer son
peuple au nom de Dieu.
    Charles hoche la tête tandis que
l’émissaire poursuit :
    — Je l’ai entendu cent fois
vous nommer : « Le vengeur du ciel ».
    Le monarque dandine maintenant son
visage de gauche à droite.
    — Sire, dès qu’il a appris la
nouvelle, Grégoire XIII a laissé éclater sa jubilation et a chanté le Te
Deum . Il a ordonné d’allumer des feux de joie partout dans Rome et a
aussitôt commandé une fresque qui relatera

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