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Charly 9

Charly 9

Titel: Charly 9 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Teulé
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du monarque qui le chasse :
    — Hors d’ici, tonsuré ! Il
y a longtemps que je ne chante plus de messes.
    Au valet, lui présentant un
bol : « Eau de valériane où flottent ses pétales ?… »,
Charly 9 répond :
    — Non. Je ne crois plus, non
plus, au langage des fleurs.
    Alors qu’on lui tâte le pouls, il
lance au médecin :
    — Malade !
    Débris d’orage, ruine humaine, épave
au menton qui va continuant en longs poils tout pareils à ceux d’un bouc,
l’altesse, assise au bord du lit, voit un noble chargé des affaires de l’État
s’approcher en s’annonçant lui-même :
    — Monsieur de Chieures !…
qui a le désagrément de vous apporter de mauvaises nouvelles reçues des pays
étrangers et provinces du royaume. Il faudrait, Sire, que l’on parle politique.
    — La politique, ah, j’en ai
assez fait ! Mon avis aujourd’hui ? Crotte et bran !
    Alors que le conseiller décontenancé
s’en va, le roi lève les bras pour qu’on lui ôte par le haut sa chemise de
nuit. On glisse à ses jambes des chausses et il soulève un peu ses fesses du
lit pour, autour du bassin, l’installation d’une trousse bouffante qu’il
découvre d’un air étonné :
    — Elle n’est pas déchirée,
là ? Ah mais ici et là également. Cette trousse est fendue de toutes
parts.
    — C’est la nouvelle mode,
Majesté… justifie le chambellan.
    — Nouvelle mode ? s’étonne
le monarque qui se lève, torse nu, et contemple ses chausses. Oh, elles aussi
sont déchiquetées. Je vois la peau de mes genoux !
    — Les tailleurs pratiquent
dorénavant des entailles dans l’étoffe de chaque vêtement comme à coups de
couteau, Sire. Et par les fentes du pourpoint cela fait ainsi apparaître le
linge de la chemise qui bouffe joliment. Pareil pour les souliers qu’on vous a
apportés, regardez. Le cuir est troué en plusieurs endroits. Les gants
tailladés sur la main et même les doigts exhibent les bagues.
    — L’intérêt d’un tel carnage
vestimentaire, grand chambellan ?
    — Bah, on décore tout de
« crevés » en France parce que c’est dans l’air du temps.
    — Bouh, hou !… tombe en
larmes le roi.
    — Quoi ? Qu’est-ce que
j’ai dit ? interroge autour de lui le chambellan alors que déboule dans la
chambre une fille un peu grasse de dix-neuf ans au regard hardi.
    Les seigneurs, assistant au lever de
l’altesse, lui font révérence :
    — Ah, Marguerite de Valois… que
vous voici également drôlement accoutrée.
    Toute « gothique » et en
noir, elle a aux lobes de ses oreilles des pendentifs en forme de tête de mort
et porte, sous un bras, un vrai squelette de crâne humain dans un bocal empli
d’alcool qu’elle promène comme un animal domestique :
    — Qu’est-ce que je t’entends
râler et gémir, Charly 9, alors que cette mode des crevés est inspirée par
toi ? C’est bien de ta faute si ce siècle français n’est plus qu’une
histoire tragique. De tes sujets tombés sous les couteaux, taillés en pièces,
crevés, ça n’aura pas manqué durant ton règne alors qu’est-ce que tu nous
emmerdes maintenant pour quelques fentes au tissu des manches, grand veau pleurard !
    — Salope de Marguerite !
crie le roi à sa sœur. Je te compisse, gargouilleuse, truie pisseuse,
malefille !
    Il la roue aussitôt de coups avec
force injures, l’accuse d’inceste :
    — Puterelle, au con gros et
mollet rejetant foutre blanc comme lait, qui a perdu son pucelage dès ses onze
ans avec son frère Alençon ! Quand ton mari Henriot est avec moi à la
chasse, le gnome Hercule ou d’autres, sortant de tes cuisses, ronflent à tes
seins enflés de pâle putain !
    Le frère aîné, à coups de poings,
coups de lattes, fait danser la volte et la martingale à sa sœur. Les
breloques-têtes de mort, accrochées aussi à des rubans de la robe noire, volent
en toutes directions. Le bocal tombe au sol, s’y brise en mille éclats. Le vrai
squelette de crâne roule sur le dallage. Plantes des pieds s’écorchant dans les
débris de verre, Charly 9 poursuit Marguerite qui s’échappe de la chambre
en poussant d’aigres cris poitrinaires. Le massacre se poursuit sous les voûtes
du couloir où bruisse une foule de courtisans stupéfaits.
    « Mais quand les bras, les
mains, les ongles, détesteront être les instruments qui déchirent la
peau ?… », se désole le grand chambellan voyant le roi de France
bousculer le linge et l’honneur de la

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