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Charly 9

Charly 9

Titel: Charly 9 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Teulé
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jurant
    Qu’il la réduirait tout en cendres,
    Et que, avant qu’il fût un an,
    Il ferait tout le peuple
pendre !
     
    — Est-ce votre voix, d’Orat,
que je viens d’entendre rimer en « ir », en « age », en
« an », en « endre » ?
    — Ah, heu… Hou, là, là !
Vous étiez là, Majesté ? panique en se retournant le poète de
soixante-cinq ans qui s’imagine déjà, noirci et pendu par les pieds, à
Montfaucon.
    Sur le pas de la porte de ce
salon-bibliothèque sans fenêtres mais aux milliers de manuscrits enluminés et
livres imprimés rangés sur des étagères contre tous les murs, le roi a un petit
sourire convulsif où l’œil prend dans son obliquité un demi-clignement
loustic :
    — Voulez-vous bien me répéter
ces vers, d’Orat ? Si la rime n’en est pas trop bonne, le sujet et le sens
sont peut-être bons.
    — Heu, heu, heu…
    Le gaulé par le monarque porte vite
une paume à sa bouche pour mâcher la petite feuille de papier qu’il lisait à
voix haute : « Ch’est à dire que, Machesté, che ne m’en chouviens
plus ! » Et il déglutit pendant que trois confrères, se comportant en
bons camarades, viennent à sa rescousse :
    — Ça peut arriver d’oublier ses
propres quatrains, Sire, dit Jean Antoine de Baïf. Moi, quand tombe la nuit, je
m’endors vite et comme je rêvasse toujours, je rêve des vers mieux, des vers à
faire un jour mon renom sans pareil mais dont je ne sais plus un mot au réveil.
    Pontus de Tyard confirme :
« Moi, c’est pareil » puis fait diversion :
    — Sinon, Majesté, au nom de mes
collègues de la Pléiade, je voulais vous demander : normalement, nos gages
devraient être versés tous les mois mais nous ne les recevons que rarement.
Pourquoi ?
    — Les poètes ressemblent aux
chevaux qu’il faut nourrir et non pas trop engraisser car après ils ne valent
plus rien.
    Charly 9, en pourpoint de
velours, chapeau à la royale (le tout décoré de crevés évidemment), vient
s’asseoir près de Ronsard à qui il demande :
    — Et vous, votre avis sur ce
poème ? Ne trouvez-vous pas que si son versificateur tâte les arts il n’en
prend que la peau ?
    — Commeint ?! Un
poème ? Quel poème ?
    — Vous êtes sourd quand vous
voulez, Ronsard, hein ?
    Jean d’Orat, vexé dans son coin,
grommelle pour lui-même :
    — Des grands poètes, l’on rira
toujours… Si ce Valois avait passé son temps à faire des vers comme les miens
nous n’aurions pas eu la Saint-Barthélemy. Plût à Dieu qu’il en ait écrit même
de mauvais ! Une application constante aux arts aimables adoucit les
mœurs.
    — Vous disiez quelque chose,
d’Orat ?
    — Moi, Sire ? Ah, pas du
tout !
    — J’avais pourtant l’impression
que…
    — C’est ma mâchoire édentée qui
remue toute seule en faisant du bruit alors on croit que je parle mais pas du
tout.
    Le monarque lève les yeux vers un
des poètes debout :
    — Même si j’ai dû, monsieur
Baïf, délaisser (depuis un an et une semaine. Oui, je compte les jours…) les
arts et les lettres pour m’adonner à des décisions violentes qui abrègent la
vie, j’aime venir dans votre académie de poésie mesurée. Elle vise à mon
perfectionnement aussi bien dans mon esprit que dans mon corps…
    — Le résultat n’est pas
flagrant, marmonne d’Orat.
    — J’apprécie surtout les vers
mesurés à l’antique, grecs, reprend le roi. Et vous, Tyard ?
    — Nous œuvrons quelquefois,
dans nos réunions, sur des vers grecs, Sire, mais non pas ceux des tragédies
afin de contenter la reine, votre mère, qui, dessus tout, nous enjoint à les
fuir de crainte qu’ils ne portent malh…
    Le roi rote.
    — J’ai, cette nuit, pensé à
vous, dit ensuite l’altesse qui se tourne vers Ronsard. Pierre, vous allez
m’écrire un très long poème épique dont j’ai trouvé le titre : La
Franciade . Ce devra être une œuvre d’envergure considérable en plusieurs
volumes écrite en décasyllabes.
    — Commeint ?!
    C’est alors qu’arrive dans le
salon-bibliothèque une jolie servante de seize ans avec des petits seins et
des… Elle dépose devant le roi la porcelaine d’une corbeille de fruits que le
poète des jardins contemple avant d’interpeller la jeune soubrette :
    — Holà ! Pas de raisin
pour un atrabilaire, malheureuse !… ni de melon à un colérique.
    Il se lève avec la corbeille :
    — Je vais devoir, un matin
après notre réveil, vous

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