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Charly 9

Charly 9

Titel: Charly 9 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Teulé
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chipée à Navarre. Dans le dos, les plis
en tuyaux d’orgue s’envolent au-dessus de la peau des épaules du roi qui, épée
à la main droite, serre dans le poing gauche une étrivière dont il fouette les
courtisans sur son passage comme si c’étaient des roseaux au bord d’un étang.
Il fout en l’air des peintres tombant d’échafaudages avec leurs pots de
couleurs. Voilà ces décorateurs qui roulent entre les sabots de l’équidé à la
robe brun rougeâtre tachée de points blancs.
    — Hue ! Dia ! hurle
Sa Majesté, faisant bondir sa monture par-dessus les artistes.
    Parce qu’on s’approche de l’hiver
1573 et qu’il fait trop froid pour aller chasser du côté de Compiègne, le roi
de France traque la bête rousse à demeure. En ces lieux où jadis s’écoulèrent
aussi ses premières années, a-t-il la mémoire d’avoir été un de ces petits
enfants sages… que Jésus aime… lui dont la conversation n’est plus qu’un cor de
chasse qui klaxonne ?
    — CROIIN ! CROUII !
KRUU !
    Le cerf brame et détale vers le
grand escalier servant de passage pour accéder aux offices de cuisine qu’il
traverse faisant voler casseroles, poêles, commis et marmitons. Quand ces
derniers commencent à se relever, c’est le giboyeur à cheval qui déboule et ils
retombent sur le cul. En terra incognita comme disent les anciens
géographes, le cerf file sur les tomettes d’un sol rouge poursuivi par l’autre
là, le mi-ange, mi-dément. À travers galeries et terrasses, la cavalcade
continue. Dans l’étage noble où se trouvent les chambres royales, le cervidé
rompt et foule les portes. Le pavillon du roi communique avec l’aile
Henri II où s’engage le monarque. Portant son épée haute, il brave et
menace tout ne craignant rien. Les fers aux sabots de sa monture déchirent les
tapis mais c’est le moindre de ses soucis. Quelle vilenie ! Il fonce à
toute bride et a bien souvent le mot pour rire : « Chaud
devant ! Attention, je tache ! » C’est le diable incarné.
Dévalant un escalier sans noyau mais fenestrages dorés, pilastres et portaux,
les courroies de cuir des porte-éperons entourant ses cous-de-pied nus le
blessent. Sûr qu’il va aussi se brûler la peau des couilles sur le dos rêche de
l’équidé à crinière et queue noires. Quant au cervidé athlétique, il heurte ses
bois qui cassent comme verre contre des colonnes de dames cariatides en pierre
qui s’en foutent. Dans la salle de l’échiquier au dallage alterné noir et
blanc, le fou sur le dos du cheval joue une drôle de partie. Ce vice sent la
gibecière. Au plafond, une Diane chasseresse entre deux chiens paraît suivre
des yeux le gibier et le chasseur. On dirait aussi qu’elle tourne la tête quand
le cerf explose les portes de la salle de danse qui s’ouvrent, vomissant tout
un flot de vapeurs. Ici se déroulent les répétitions d’un ballet devant être
joué dans quelques jours mais le roi, douteux animal sans cervelle lui-même, y
poursuit sa chasse à la bête rousse et le Louvre retentit alors de tous les
cris aigus des danseuses s’enfuyant. L’autre taré cingle de son étrivière les
épaules des nymphes. Bouillant et hardi, il traverse les toiles de beaux décors
qu’untel brossa, écrase des rochers lumineux tractés par des Neptunes musclés.
Le roi en sa fournaise avec la danse autour souffle du cor sur un ton anormal
et les portes au fond de la salle s’ouvrent soudain en grand. Devant des
guidons déployés et roulements de tambours, cinquante archers mettent la main
au carquois dans leur dos. Ils prennent les flèches en passant simplement les
doigts par-dessus l’épaule et tirent. Le cerf se métamorphose en hérisson !…
Charly 9, surpris, stoppe brutalement l’allure de son cheval, le met au
pas puis enfin l’arrête, tourne bride en s’exclamant :
    — Qui a ordonné
ça ? ! Qui a commandé l’abattage ?
    Une grande ombre le recouvre et une
voix qui tonne lui répond :
    — Moi !
    C’est le timbre vocal de Catherine
de Médicis sous un voile noir bordé d’un fil de laiton qui forme autour de sa
tête une sorte d’auréole épinglée aux épaules. Toute pleine de reliqueries
accrochées aux habits pour des vœux et devant une grande fenêtre, elle descend
les dernières marches d’un escalier :
    — Après les lapins puis une
autre fois le héron, c’est ce matin un cervidé que tu chasses dans le Louvre.
Ce n’est plus possible !… Si tu tiens à

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