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Charly 9

Charly 9

Titel: Charly 9 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Teulé
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milieu de cette Cour infestée par les
espionnes de sa mère.
    Près de la cheminée, le roi s’empare
d’une arbalète. Dos à la tapisserie, il l’arme puis se retourne et tire à bout
touchant dans l’œil du cerf. Il colle ensuite une oreille contre la tenture
murale, entend tomber un corps accompagné d’un bruit de petit meuble renversé.
Il reprend sa conversation avec La Noue qui, bouche bée, se demande où est
passée la flèche. Dans le couloir, deux soldats portent un brancard. L’un des
deux dit à l’autre :
    — T’as vu ?… Cette petite
princesse s’est cassé la cheville en tombant du tabouret.
    L’autre répond :
    — La cheville, ce n’est rien.
Regarde son œil.
    Un carreau d’arbalète traverse
entièrement la tête de la jeune fille à bouche étonnée, figée en cul de poule.
Ramdam autour de sa dépouille vers laquelle se précipitent quelques membres
féminins de l’escadron volant et la reine mère elle même :
    — Qu’est-il arrivé ?
    Une blondinette accourue
répond :
    — C’est parce que le roi a
repéré le trou dans l’œil du cerf. C’est comme ça qu’il m’a détruit les tympans
en soufflant du cor à tue-tête.
    — Ah bon ? s’étonne
Catherine de Médicis. Mais pourquoi ne pas l’avoir dit quand on vous a demandé
comment ça vous était arrivé ?
    — Je n’avais pas entendu la
question !
     

 
36
    Jour de Toussaint 1573, le roi à
cheval respire mal. Son teint est cireux. Des quintes de toux secouent son long
corps voûté. Il fait peine à voir ce monarque aux yeux cernés sur un visage
déjà flétri. Lui qu’on a vêtu tout de blanc afin qu’on le reconnaisse mieux est
emmitouflé dans un manteau de voyage couleur de neige. Sa monture avance au pas
parmi un long cortège qui se traîne à travers bois et mauvais chemins boueux du
royaume. Il pleut. Une bise siffle au ras de la plaine mais le roi fiévreux a
chaud. Il ouvre son manteau sur un pourpoint immaculé, décoré de crevés,
recouvrant une chemise blanche qui bouffe à travers les trous. Son chambellan,
devant lui, se retourne et observe la tenue virginale de Sa Majesté.
    Charly 9 chevauche près de la
portière droite d’un lourd carrosse doré à l’intérieur de velours où sont
assis, côte à côte, la reine mère et Anjou. Secoué à cause des ornières, le
nouveau roi de Pologne soulève le rideau de cuir, masquant une vitre, pour contempler
son frère :
    — Regarde, maman, comme à ses
mains, qui ont fait tant de choses, il ne reste presque plus la force de
simplement tenir les rênes d’une monture.
    Catherine de Médicis se penche pour
voir avec indifférence dépérir son aîné :
    — Il doit tellement craindre
que tu t’échappes avant la frontière qu’il chevauche, collé au coche, de ton
côté.
    Henri rabat le rideau pour sortir
d’un sac une petite poupée de cire et une boîte. Il revêt aussi un gantelet de
fer. La reine mère regarde devant elle.
    Le cortège de mille quatre cent
cinquante âmes progresse avec en tête des enseignes déployées, des fifres et
tambourins, beaucoup de soldats armés d’arcs, de piques, arquebuses et
pistolets. Des chanceliers, gens du Conseil, secrétaires d’État, font partie du
voyage. Des charrettes emplies de domestiques, de cuisiniers, sauciers,
palefreniers, ferment le convoi que remontent et redescendent des pages à dos
d’âne en proposant du vin chaud aux uns et aux autres et aussi des confitures
offertes selon l’usage par les palatins polonais en fourrures et vêtements
bariolés qui vont devant le carrosse. Arrivés à la frontière, ce sont eux qui
conduiront Anjou jusqu’à Varsovie où il sera sacré (Henri dirait exilé). Pour
distraire la Cour, des comédiens italiens font les pitres, amusent en grimpant
comiquement, tels des singes, aux arbres d’une nouvelle forêt que le cortège
traverse.
    Quittant enfin le sombre sous-bois
pour une autre plaine champenoise où l’on voit se dresser à l’horizon les
flèches gothiques de Vitry-en-Perthois, le grand chambellan se retourne encore
vers l’altesse française :
    — Vous êtes-vous blessé le
front contre une branche, Majesté ?
    — Non, pourquoi ?
    — … Et vous avez changé
d’habits dans les fourrés ?
    — Que dites-vous,
chambellan ? Est-ce le vin chaud qui vous ?…
    — Mais, Sire, vos bas, la
trousse, votre chemise, sont écarlates alors que je sais bien que, ce matin, je
vous ai vêtu tout de

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