Chasse au loup
provocation en duel.
— C’est exact. À qui ai-je l’honneur ?
— Adjudant Grendet. Voici le maréchal des logis-chefCauchoit, le trompette Sibot et le hussard Lasse.
Le visage du maréchal des logis-chef était balafré au possible. Le parchemin de sa peau tenait heu de manuel d’escrime. Et de sabre, en effet, pour lui, il n’était question que de cela. Il en possédait deux, l’un particulièrement recourbé, à la mamelouk, et l’autre presque droit. Il détailla l’épée de Margont et eut un rictus de mépris. L’adjudant poursuivit son discours. Son ton était si onctueux que l’on s’attendait à le voir régurgiter accidentellement du miel.
— Voici plusieurs jours que nous cherchons le lieutenant Relmyer, du 8 e hussards. On l’appelle aussi parfois la Guêpe ou le petit lieutenant, à cause de son jeune âge et de son visage juvénile. Mais vous voyez certainement de qui je veux parler... Par une grande malchance, celui-ci ne se trouve jamais dans son régiment. En revanche, on m’apprend que vous le connaissez. Sauriez-vous où nous pourrions le trouver ?
Margont mentit fort bien. Il pouvait remercier Lefïne pour ses conseils sur les méthodes à suivre.
— Je ne connais ce Relmyer que depuis quelques jours et j’ignore où il a pu passer. Puis-je savoir pourquoi vous le cherchez ?
— Comme c’est fâcheux ! s’attrista l’adjudant. Nous serions si heureux de nous entretenir avec lui !
À ces mots, le trompette éclata de rire.
— L’entretenir de... ? insista Margont.
— Eh bien, voyez-vous, capitaine, ce Relmyer a blessé le lieutenant Piquebois. Pourtant, le lieutenant Piquebois est une bien belle lame. Alors, nous nous demandions si ce Relmyer consentirait à nous exposer sa technique...
Margont sentit la colère monter en lui.
— Vous voulez proposer quatre duels au lieutenant Relmyer ?
L’adjudant haussa les épaules pour manifester son dépit. Il n’était pas étonné. Il avait toujours considéré que les gens à pied et ceux à cheval n’évoluaient pas dans le même monde.
— Nous ne nous battons pas en duel, monsieur l’officier d’infanterie, nous faisons de l’art ! Fort bien, nous nous en allons. Transmettez à votre ami Relmyer que nous le cherchons. Il nous trouvera sans peine dans nos régiments respectifs. Précisez-lui que, concernant l’enchaînement de nos rencontres, je lui serais terriblement obligé de respecter l’ordre hiérarchique. Du plus au moins gradé, cela va sans dire.
Le maréchal des logis-chef fut le dernier à tourner bride. Juste avant de le faire, il lança :
— Dites bonjour à Antoine Piquebois de ma part.
Son index glissa le long de l’une de ses cicatrices, qui barrait en diagonale le damier de ses stigmates. Margont se souvint soudain de lui. En 1804, Piquebois, alors hussard, l’avait foudroyé d’un coup de sabre. Officiellement, il s’agissait d’un accident d’entraînement...
Lorsque les hussards eurent disparu, Lefine annonça :
— Je vais faire en sorte de ne pas trop m’attacher à Relmyer. Comme ça, j’aurai moins de peine quand on l’enterrera, dans une ou deux semaines... Car, même s’il parvient à trucider ces quatre gaillards-là, d’autres suivront, et d’autres encore... Pour Antoine, cela s’est calmé après sa blessure à Austerlitz, parce qu’il a complètement changé depuis. Il n’est plus un bretteur prêt à se jeter sur le moindre défi. Sauf quand il rencontre Relmyer ! Mais Relmyer, lui, fait tout pour attirer cette calamité que sont les duellistes !
— Il n’agit pas ainsi volontairement. Il n’a qu’une seule idée en tête : retrouver celui qu’il cherche. Regarde le peu de cas qu’il fait de Luise alors qu’il la considère comme sa soeur. Et cette fortune qu’il a dépensée pour pouvoir examiner les archives du Kriegsministerium. Combien de projets aurait-il pu réaliser avec cet argent ? Non, il attire la mort à lui sans même s’en rendre compte.
Ces paroles agaçaient Lefine.
— Le problème, c’est que la Mort est aveugle, déclara-t-il. Elle tourne autour de Relmyer, mais elle peut finir par nous tomber dessus par erreur !
— Relmyer est enchaîné à son histoire. Il ne commencera réellement à vivre que lorsqu’il aura rompu ce lien.
— Il y a d’autres façons de se débarrasser d’une corde que de tirer dessus jusqu’à faire venir à soi le dogue qui est attaché au bout.
— Lui ne
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