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Christophe Colomb : le voyageur de l'infini

Christophe Colomb : le voyageur de l'infini

Titel: Christophe Colomb : le voyageur de l'infini Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Patrick Girard
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Quand ils
s’étaient enivrés, ces coquins avaient le vin mauvais et sortaient sans raison
leurs couteaux. Ils finiraient bien par se lasser de tambouriner de la sorte.
    Le tumulte continua. Cédant aux supplications de son épouse,
le cartographe finit par se lever, allumer, en tâtonnant dans le noir, une
chandelle aux braises de la cheminée, ouvrir l’huis, et étouffa un juron en
découvrant la cause de ce vacarme. En bas se tenait son propre frère, ce damné
Cristoforo, un modeste balluchon posé à ses pieds, les cheveux en bataille et
l’air passablement furieux. En guise d’embrassades pour leurs retrouvailles,
Bartolomeo eut droit à une accumulation de reproches :
    — Pourquoi Dieu m’a-t-il infligé pareille
punition ? À quoi me sert d’avoir un frère et d’avoir veillé sur lui avec
soin pour ne pas être payé en retour ? Quel joli cartographe tu fais là,
mon pauvre Bartolomeo ! Tu es prêt à trahir père ou mère pour mettre
quelques ducats dans ta poche. Tu n’es qu’un Judas, et encore !
L’Iscariote, avant de Le trahir, a profondément aimé Notre-Seigneur. Toi, tu
m’as toujours détesté et tu ne cherches qu’à me nuire par tous les moyens.
    Bartolomeo, désarçonné par ce comportement,
l’interrompit :
    — Nous serons mieux à l’intérieur pour causer. Je ne
comprends pas un mot à tes griefs. Et puis, que fais-tu ici, à Lisbonne ?
Je te croyais installé à Cordoue et fort bien en cour, d’après ce que l’on m’a
dit. J’en étais sincèrement heureux pour toi, après toutes les épreuves que tu
as traversées et l’ingratitude dont on a payé tes services. Hélas, rien de tout
cela n’est vrai. Ne me dis pas que tu es un fugitif et que tu es venu ici pour
te soustraire à la justice de la Castille. Ne mens pas, tôt ou tard je
l’apprendrai par l’un de mes clients. Je te préviens, je suis un honnête
boutiquier, et ne compte pas sur moi pour payer tes dettes. Car, rien qu’à voir
tes habits, je constate que tu ne lésines pas sur la dépense.
    — Ni toi sur le mensonge et la fourberie. Notre mère,
si elle était encore de ce monde, te battrait comme plâtre en apprenant ta
méchanceté insigne.
    — Mais enfin, explique-toi. Je n’entends que goutte à
tes propos insensés.
    — Fernao d’Ulimo t’a bien commandé des cartes et des
portulans ?
    Bartolomeo chancela. Comment son aîné avait-il été renseigné
à ce sujet ? C’était à croire que, depuis deux ans, il ne vivait pas à
Cordoue mais à Lisbonne, terré dans la Mouraria. Il savait donc. Lui aurait dû
le prévoir et prendre ses précautions, renvoyer ce Flamand prétentieux qui
s’était présenté un jour à la boutique et lui avait rebattu les oreilles de
long en large avec ses exigences. Il ne pouvait rien lui refuser. L’homme avait
présenté une cédule royale lui octroyant, en date du 24 juillet 1486,
l’autorisation d’« aller chercher et trouver une grande île ou plusieurs
îles ou un continent et en reconnaître les côtes, là où on pense être l’île des
Sept Cités, et cela à ses frais et dépenses ».
    Il était accompagné de Bartolomeo Perestrello y Moniz et les
deux compères avaient plaisanté sur les difficultés de leur charge de
capitaine-donataire, l’un de Porto Santo, l’autre de Terceira aux Açores. Ils
avaient fouiné dans sa boutique, s’étaient fait présenter cartes et portulans,
ainsi que les différents modèles de boussoles et d’astrolabes. Fernao d’Ulimo
s’était montré généreux. Il avait acheté le tout, sans regarder à la dépense.
Surtout, contrairement à bien des capitaines et des pilotes, il l’avait payé
comptant, jetant négligemment sur la table deux sacs remplis de bonnes pièces
d’or. Il n’avait même pas cherché à marchander le prix comme s’échinaient à le
faire les autres, qui réclamaient en plus des délais de paiement et qui, à leur
retour, tentaient par tous les moyens d’obtenir de nouveaux rabais. Un client
comme Fernao d’Ulimo, il n’en avait pas deux par an et il semblait en plus
bénéficier de la haute protection de messire José Vizinho. Ce vieux renard de
médecin juif était venu, quelques jours plus tard, s’assurer que la transaction
avait bel et bien eu lieu. Avec son sourire narquois, il s’était enquis de la
bonne marche des affaires de Bartolomeo et lui avait insinué que toute
indiscrétion à propos de l’expédition projetée aurait de fâcheuses

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