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Christophe Colomb : le voyageur de l'infini

Christophe Colomb : le voyageur de l'infini

Titel: Christophe Colomb : le voyageur de l'infini Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Patrick Girard
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poursuites judiciaires
injustifiées de la part des parents de sa défunte femme. Les Portugais ne
seraient pas dupes des motifs invoqués et leur acceptation ou non de ses
exigences serait un bon indice de leurs intentions.
    Cristobal avait donc écrit à frère Juliao pour solliciter
son intervention auprès de la chancellerie royale. Le moine lui avait fait
parvenir le sauf-conduit demandé, portant le sceau de la Couronne. Il était
donc parti précipitamment pour Lisbonne, assurant à Beatriz, visiblement très
fatiguée, qu’il serait de retour dans quelques semaines tout au plus. À son
arrivée à Lisbonne, il avait, comme à son habitude, fait le tour des tavernes
pour prendre le pouls de l’atmosphère et n’avait pas vu le temps passer. C’est
donc en plein milieu de la nuit qu’il s’était présenté chez Bartolomeo.
    Il lui avait fallu quelques jours pour réapprendre que les
gens dans cette ville le connaissaient sous le nom de Cristovao et non de Cristobal,
et qu’il n’était pas toujours bien vu de s’exprimer en castillan. Quand il
s’était présenté à la Maison de La Mine, un commis, à l’air revêche, l’avait
purement et simplement éconduit, au motif que nul ne l’attendait. Le ton était
monté entre les deux hommes et l’incident avait attiré l’attention d’un
capitaine qui reconnut Cristovao et lui conseilla, s’il voulait rencontrer un
interlocuteur de poids, de plutôt se rendre à deux pas de là, dans la nouvelle
résidence de l’évêque de Ceuta, de moins en moins décidé à s’occuper de ses
ouailles.
    Diogo Ortiz de Vilhegas lui fit bon accueil, l’assurant
qu’Antonio de Marchena lui avait écrit à plusieurs reprises à son sujet pour
l’informer des démarches qu’il avait entreprises en faveur de ce « Génois
très méritant ». L’évêque avait gloussé :
    — C’est ainsi qu’il vous nomme et ce n’est pas un mince
compliment sous sa plume. Il a beau être le plus excellent des hommes et le
meilleur des amis, il a une très haute conception de ses devoirs et, m’en
croyez, pour rien au monde je ne ferais de lui mon confesseur. Il est de ceux
qui trouvent les flammes de l’enfer trop douces et caressantes. Je suis en tous
les cas heureux d’avoir pu vous être utile en usant de mon crédit, du moins
celui que j’avais jadis.
    À ces mots, Cristovao comprit que son interlocuteur
cherchait à le prévenir des dangers qui pouvaient le guetter. Le prélat, dont
l’embonpoint n’avait guère rétréci, lui confia d’un ton las qu’il ne se faisait
pas d’illusions. À de multiples signes, il constatait qu’il avait cessé de
plaire au monarque et à ses conseillers. Bien entendu, sa disgrâce n’avait pas
été, pas encore, rendue publique. Toutefois, il n’était plus convoqué aux
réunions de la Junte des Mathématiciens et ses collègues lui tournaient
ostensiblement le dos quand il lui arrivait de les croiser. Il avait fini par
s’en amuser :
    — Mestre Rodrigo et mestre José ont beau détaler comme
des lièvres à mon approche, je prends ma revanche. Ils ne le voient pas mais je
les bénis de loin et leur fait moult signes de croix. Qui sait ? Un jour
peut-être changeront-ils de religion !
    Pour l’évêque, il n’y avait qu’un responsable à tous ces
malheurs, ce Martim Behaim arrivé à Lisbonne peu de temps après le départ de
Cristovao. Il venait de Bohême et avait étudié auprès de Regiomontanus, l’un
des plus grands savants du temps, à Bologne. À en croire Diogo Ortiz de
Vilhegas, c’était le plus féroce et le plus habile intrigant que la terre eût
jamais porté. Il s’était introduit dans les bonnes grâces de José Vizinho en le
flattant sans vergogne et en l’assurant que Regiomontanus avait en grande
estime ses calculs et capacités. Comme si l’illustre professeur de Bologne
avait eu vent des travaux du médecin juif, qui n’avait jamais rien publié et
qui prenait grand soin de maintenir une chape de plomb tout autour de ses
travaux et activités. Le piège grossier avait pourtant fonctionné. José Vizinho
avait introduit à la cour Martim Behaim, qui s’était une fois de plus répandu
en viles flatteries à son propos tout en complimentant pour sa sagesse Don Joao
qu’il n’avait pas craint de comparer à un nouveau Salomon. Le monarque l’avait
gracieusement remercié d’un geste de la main et l’avait invité à rester à
Lisbonne, l’assurant qu’il trouverait aisément

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