Christophe Colomb : le voyageur de l'infini
devenu soldat, j’ai
attiré sur moi l’attention de notre monarque. Pour récompenser mon dévouement à
sa personne, il m’a fait chevalier et attaché à sa personne comme écuyer sans
rien ignorer de mes modestes origines.
J’ai interrogé mon compatriote, mestre José Vizinho, à
propos de ce Génois que votre frère, le très noble et très estimé duc de Medina
Sidonia, a croisé. C’est un hardi et habile marin qu’on dit très expert dans sa
partie et qui a quitté Lisbonne à la suite de sa brouille avec son beau-frère,
Bartolomeo Perestrello y Moniz, capitaine-donataire de l’île de Porto Santo. Vous
n’aurez assurément qu’à vous féliciter de ses talents qui sont multiples. Le
fait qu’il soit allié aux Perestrello y Moniz montre qu’il est de bonne famille
et peut-être noble. C’est là un argument qui vaut d’être soigneusement pesé.
J’eusse aimé m’en entretenir avec vous. Le roi m’a
toutefois confié une mission au Levant avec lequel nous souhaitons développer
notre commerce, contrairement aux idées saugrenues de ce Génois.
Même si je ne suis pour rien dans son départ, vous
fournir des informations à son sujet me permet de rembourser partie de la dette
que j’ai envers vous.
Je suis votre loyal et dévoué serviteur,
Dom Pero de Covilha.
*
Le 3 mars de l’an de grâce
1486
De Miguel Molyarte, négociant à
Palos, au très illustre
et très puissant frère Tomas de
Torquemada,
Grand Inquisiteur
En fils dévoué de l’Église, j’ai le devoir de signaler à
Votre Grandeur les agissements de mon beau-frère qui séjourne actuellement à
Cordoue. Alors que je l’ai toujours vu se comporter en bon Chrétien, l’état de
désespoir où l’a plongé la disparition de son épouse, Dona Felippa, sœur de ma
femme, le conduit à négliger ses devoirs religieux. Il a l’impudence d’amener
chez nous un Maure et un Juif qu’il prétend être de ses amis et avec lesquels il
partage repas et confidences. Jamais cela n’est arrivé dans notre famille, qui
est de noble extraction, puisque le nom de Martim Moniz, l’aïeul de mon épouse,
ne peut vous être inconnu.
C’est là plus que je n’en puis supporter et il m’est avis
qu’il devrait être ramené dans le droit chemin par les moyens les plus
appropriés afin que ses erreurs ne rejaillissent pas sur sa famille et,
surtout, sur son fils dont j’avais jusque-là la charge.
Je me jette à vos pieds en implorant votre intervention
et votre miséricorde.
Miguel Molyarte.
*
Le 15 avril de l’an de grâce
1486
De Tomas de Torquemada, Grand
Inquisiteur,
au frère Diego de Deza,
dominicain, recteur du collège
Saint-Étienne de l’université de
Salamanque
Je te remercie de la diligence que tu as mise à te
charger de la délicate enquête que je t’avais confiée. J’ai été d’autant bien
inspiré d’avoir recours à toi que j’ignorais tout de l’implication d’une de mes
lointaines parentes, Beatriz Nunez de Harana. Je m’en porte tout naturellement
garant par respect pour la mémoire de son grand-père, mon oncle, qui fut si
généreux envers moi.
Ce Génois est assurément bon Chrétien pour avoir offert à
ta chapelle un précieux vase sacré sans rien attendre en retour que tes prières
pour le succès de ses entreprises. Je sais par l’un de ses parents qu’il est
apparenté à une illustre famille de l’aristocratie lisboète, ce qui exclut
qu’il soit un hérétique ou un Infidèle.
Ce que tu m’as dit de l’intérêt que lui portent le frère
Antonio de Marchena et le comte de Medina Celi me fait sentir la prudence dont
nous devons faire preuve, face aux dénonciations qui nous parviennent et qui
dissimulent souvent de sordides calculs. Prendre au sérieux celle-ci eût été
sans doute me placer en grande difficulté auprès de notre illustre reine, Dona
Isabelle, alors qu’elle n’a jamais failli dans sa mission de reprendre Grenade
au Maure.
Sauf s’il s’avérait que ses contacts avec les Maures et
les Juifs nuisent réellement à sa foi, veille à ce que cet étranger ne soit en
rien gêné dans ses activités. Il pourrait, sans le savoir, nous seconder dans
des entreprises infiniment plus sérieuses que les siennes.
Reçois ma bénédiction et mes remerciements.
Tomas de Torquemada.
*
Le 27 Iyyar 5246
D’Abraham d’Avila à José Vizinho,
ouvidor de la Judaria de Lisbonne
Sur toi la paix et la
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